La Momie, le retour des monstres

La Momie

d’Alex Kurtzman

Fantastique

Avec Tom Cruise, Russell Crowe, Annabelle Wallis, Sofia Boutella, Jake Johnson

Sorti le 7 juin 2017

Arrachée à son repos éternel lors du saccage de son tombeau enfoui, une princesse de l’Égypte ancienne ayant fait un pacte avec le mal revient hanter les vivants, et particulièrement Nick Morton, l’un des responsables de son réveil, qu’elle a choisi comme élu pour être la réincarnation de Seth, le dieu avec lequel elle a pactisé. Nick Morton se retrouve donc au centre d’une lutte sans merci entre ces forces divines ancestrales et une organisation créée pour combattre les manifestations monstrueuses, dirigée par un certain Docteur Jekyll.

Destiné à être le coup d’envoi d’un univers cinématographique dédié aux monstres – dans la lignée des univers Marvel ou DC – cette nouvelle Momie n’a plus grand-chose à voir avec la trilogie initiée par Stephen Sommers en 1999, et encore moins avec le film de 1932 avec Boris Karloff dans le rôle-titre. Universal a décidé de créer cette nouvelle licence en allant déterrer des concepts et des monstres en pagaille dans sa réserve patrimoniale – nous n’échapperons pas à une énième réhabilitation de Frankenstein, Dracula, ou encore à une exhumation en bonne et due forme de l’étrange créature du lac – mais semble déterminée à n’en garder que les titres, quitte à les utiliser comme des labels, des marques d’appel destinées à évoquer des images dans l’inconscient collectif des spectateurs pour les amener en salle et leur faire voir quelque chose qui n’a finalement plus grand-chose à voir avec ce « teaser » mental venu de l’enfance ou d’une forme de cinéphilie très vague et enfouie.

On peut légitimement se demander ce qui motive – outre l’attrait commercial – les producteurs à vouloir à tout prix convoquer ces figures quasi-mythologiques de l’horreur littéraire et cinématographique si c’est pour accoucher d’un univers visuel et scénaristique aussi éloigné de ce à quoi il est censé faire référence. L’aberration la plus flagrante est l’apparition dans le présent film du personnage du Docteur Jekyll (Russell Crowe), en second rôle très envahissant, censé apparemment relier les différents opus de cet univers en devenir, et dont les quelques transformations en Mister Hyde font plus penser à celles de David Banner en Hulk qu’à une horreur plus subtile, plus viscérale. De la même manière, les scènes d’action et autres morceaux de bravoure du film, dont l’aspect complètement monstratif semble donner l’injonction implicite de voir le film dans les meilleures conditions possibles – comme c’est de plus en plus le cas pour ce genre de blockbusters qui érigent une sorte de rapport qualité-prix en mètre-étalon de ce que le spectateur est censé pouvoir attendre d’une expérience en salle –, répondent uniquement à une logique de la surenchère dont le seul but affiché est clairement d’en mettre « plein la vue ».

Ce qui est encore le plus mystérieux dans cet ensemble informe, c’est la présence de Tom Cruise, perdu comme jamais, qui semblait pourtant avoir trouvé une place singulière d’acteur physique dans ses derniers films, construits entièrement autour de sa personnalité – de Mission Impossible à Jack Reacher –, et qui se retrouve ici réduit à la tâche d’utilité scénaristique, à un personnage presque transparent qui pourrait être joué par n’importe qui et qui se fait complètement écraser par un concept pourtant lui-même assez faible. On reconnaît bien ça et là quelques marques de ce qui fait la spécificité de la dernière partie de carrière de Tom Cruise – cette manière de jouer de son image avec une certaine dose d’autodérision (malgré tout moins présente ici) ou encore la récurrence de la figure de résurrection (après Edge of Tomorrow et Misson Impossible : Rogue Nation, La Momie est le troisième film en trois ans dans lequel Cruise revient d’entre les morts). Mais, noyé dans le fatras de la surenchère et de l’incapacité du film à choisir entre fantastique horrifique et aventure à l’ancienne, l’acteur semble bien mal à l’aise dans ce qui apparaît au final comme une bizarrerie dans son plan de carrière, ainsi que comme un début plus que bancal pour le « Dark Universe » d’Universal.