Mise à mort du cerf sacré, prédictions et théorèmes

Mise à mort du cerf sacré

de Yorgos Lanthimos

Drame, Fantastique

Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Alicia Silverstone, Raffey Cassidy

Sorti le 1er novembre 2017

Prix du scénario à Cannes, le dernier film de Yorgos Lanthimos (Canine, Alps) s’est vu réserver un accueil assez glacial de la part d’une grande partie de la critique, comme à l’accoutumée pour l’auteur grec dont le cinéma parfois clinique a tendance à agacer la cinéphilie française. Si Mise à mort du cerf sacré peut être rapproché esthétiquement du précédent film de Lanthimos, The Lobster, ainsi que par la présence dans les deux films de Colin Farrell, créant ainsi une sorte de diptyque fantasmé, la construction et le système dramaturgique qu’il propose se différencie par son aspect programmatique.

Chirurgien brillant, Steven est marié à Anna et père de deux enfant, Kim et Bob. Prenant sous son aile Martin, le fils d’un patient décédé, Steven est peu à peu envahi par ce jeune garçon qui semble de plus en plus le harceler sur son lieu de travail et jusque chez lui. Persuadé de la responsabilité de Steven dans la mort de son père, Martin fixe au chirurgien un ultimatum glaçant, que celui-ci prend d’abord pour une élucubration divagatoire, avant d’être confronté à des preuves tangibles le forçant à prendre au sérieux la menace du garçon.

Il est difficile de révéler la teneur même de la menace proférée par Martin envers Steven et sa famille sans empiéter largement sur une certaine forme de surprise et d’inattendu que veut probablement conserver le film. Ce déclencheur narratif n’intervient, plus ou moins, qu’au premier tiers du film et installe un véritable programme quant à ce qui va se dérouler par la suite à l’écran. Le personnage de Martin édicte une prédiction qui va se révéler rigoureusement exacte dans les moindres détails, et cela jusqu’à la fin.

Si cette prémisse ainsi posée pourrait faire penser que l’on se trouve dans une sorte de « revenge movie » auteurisant, il faut également préciser que la prédiction faite par Martin, cette menace très précise, a une dimension fantastique et mythologique qui rend le film assez saisissant, déplaçant l’angoisse de l’envahissement et de la subversion de l’espace familial vers une dimension métaphysique, à la manière du Théorème de Pasolini.

D’un abord très âpre et difficile à appréhender, Mise à mort du cerf sacré a des allures de film coup-de-poing et misanthrope, en forme de martyr pour ses personnages, mais il ne faudrait pas s’arrêter à cette façade, car derrière cette impression se cachent des mystères, des bizarreries et des singularités que Yorgos Lanthimos se garde bien de rendre concrets à la première vision du film. Paradoxalement, c’est aussi par son aspect programmatique, cette manière d’exposer presque d’emblée la façon dont va se dérouler le film, que celui-ci atteint une dimension hétérogène, ouverte à de multiples interprétations et analyses.

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  1. Sorties Cinéma – 01/11/2017 | CAMERA OBSCURA

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