Merci Patron ! L’arnaque en version lutte des classes

merci patron poster

Merci Patron !

de François Ruffin

Documentaire, Comédie

Avec François Ruffin, Serge Klur, Jocelyne Klur

Sorti le 11 Mai 2016

Fondateur et rédacteur en chef du journal satirique FAKIR, François Ruffin n’en est pas à son premier combat politique. Son credo ? S’engager auprès des travailleurs et amorcer des réflexions sur ce que doit être le mouvement social aujourd’hui. Merci Patron !, c’est un film documentaire aux accents ironiques et insolents, où la place de l’image est revendiquée avant tout comme un média populaire et une véritable arme politique.

Jusqu’en 2007, Serge et Jocelyne Klur auraient pu se targuer de débarquer à l’usine, main dans la main, en chantant sur un air des Charlots « Merci Patron, Merci Patron, quand on arrive à l’usine, la gaieté nous illumine ». Or cette année-là, tandis que le couple Klur confectionnait des costumes de luxe siglés Kenzo ou Givenchy dans une usine située à Poix-du-Nord, Bernard Arnault, le propriétaire du groupe LVMH, milliardaire et première fortune de France, décida de délocaliser ses activités dans les pays de l’Europe de l’Est, laissant à l’abandon et au chômage des centaines de salariés.

C’est en personnage de fan absolu et incontesté de Bernard Arnault que François Ruffin se lance dans l’aventure de cette satire sociale qui tente par les moyens les plus extravagants et insolents de joindre la France d’en haut et la France d’en bas. Des T-shirts griffés « I love Bernard » à une campagne de financement participatif censée compenser le refus de l’aide du CNC, rien n’arrête le combat des Ruffin-Klur contre Arnault.

C’est par une mise en scène digne d’un théâtre de bouffonnerie que Ruffin mène le combat médiatique, savamment découpé en actes — cinq au total plus l’épilogue. Monsieur Jamet, député socialiste chargé d’intervenir au nom de Bernard Arnault, a tout à fait raison de balancer à la figure de Ruffin, alors qu’il l’attend assis au café, la table recouverte de jetons de poker, vous avez un sens de la mise en scène vous !

En reprenant les codes stéréotypés digne des mauvaises habitudes du reportage télévisuel — les arrêts sur image, le suspense exagéré, la grosse voix qui fait peur, les ralentis ou les contrats surlignés en rose fluo et filmés de très près — Ruffin use à volonté et sans censure d’une ironie grinçante dans le but de transmettre la violence économique inhérente à tout un système.

Le lien que François Ruffin noue avec les Klur est édifiant de justesse. Les scènes de négociation filmées en caméras cachées ainsi que les briefs entre Jocelyne, Serge et Ruffin sont des pépites documentaires, et c’est peut-être parce que les Klur n’ont rien à perdre qu’ils sont si puissants à l’image.

En ne s’interdisant rien dans son dispositif, le Ruffin-des-bois transformiste saute d’un personnage à un autre et gagne le combat de catch par un coup de maître scénaristique, activiste et jubilatoire.

A propos Paul Muller 22 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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