Ma vie est un best seller, ma bd c’est moins sûr

Aurita Maier

Scénario : Corinne Maier
Dessin : Aurélia Aurita
Éditions : Casterman
Sortie : 16 septembre 2015
Genre : Humour, roman graphique

Corinne Mayère s’inspire de son nouvel emploi pour écrire un livre qui en dénonce les travers avec humour. Elle ne se doute pas du succès fulgurant qu’aura son ouvrage, ni du fait que les problèmes ne font que commencer.

Habituée à se mettre en scène (que ce soit notamment avec la série Fraise et chocolat, ou avec Buzz moi), Aurélia Aurita retrouve ici une approche assez similaire. La principale différence vient du fait qu’il n’est plus question ici de raconter son quotidien, mais d’au contraire mettre son trait au service de la scénariste Corinne Maier qui se livre à son tour à l’exercice, par le biais de l’auto-fiction. Place donc à Corinne Mayère, alter-ego de l’écrivain, qui va traverser de nombreux évènements qu’on imagine romancés mais qui sentent pour la plupart le vécu. Corinne Maier a travaillé pour EDF, Corinne Mayère est employée chez Edéf. Toute ressemblance avec des personnes ou des faits existants ne sera donc pas fortuite.

L’idée de base est intrigante, mais Ma vie est un best seller peine cependant à convaincre dans un premier temps, en ne sachant pas trop sur quel pied danser et en se révélant n’être ni vraiment dénonciateur, ni vraiment drôle. La faute incombe au traitement scénaristique, qui survole à regret certaines situations qui auraient mérité un développement plus abouti pour pleinement satisfaire et déployer tout leur potentiel humoristique. Pour exemple, difficile d’éprouver de l’empathie pour l’héroïne, ou de s’amuser de la trouvaille visuelle présentée, lorsqu’elle exprime sa lassitude fasse à une énième réunion, dans la mesure où rien de ce qui précède ne s’est réellement attardé sur la question, et ne permet de comprendre pleinement le ressenti émotionnel du personnage. Paradoxalement, cette manière de faire permet de quelque peu le complexifier, lui conférant plusieurs facettes qui finissent par le rendre attachant.

Ce qui tranche par ailleurs avec un album qui ne fait pas toujours dans la subtilité. Outre les transitions hasardeuses, le style graphique choisi, qui privilégie le noir et blanc, voit l’irruption de la couleur rouge souligner les éléments  qui dénotent au sein d’un univers formaté et fermé. Une manière de faire efficace, un poil trop appuyée cependant.

Si la dénonciation des travers des milieux traversés par le personnage principal manque d’impact, la partie humaine du scénario s’avère plus convaincante sur la durée. En n’expliquant pas toujours les motivations de Corinne Mayère, l’album laisse le lecteur libre juge de ses agissements et le place peu à peu dans une position de témoin, face au happement de l’héroïne par un engrenage infernal, au sein duquel elle sera ballotée entre promotion médiatique et sanctions disciplinaires. La manipulation constante dont elle est victime s’accorde alors avec le passéisme qui semble l’imprégner dès les premières pages et en constituerait le plein aboutissement. C’est sans compter sur les auteurs qui décident de conclure sur une touche d’espoir, en forme d’ode à la liberté, possiblement fantasmé, qui tranche volontairement avec le reste de l’album, qu’il conclut sur une note positive tout en soulignant son inégalité.

A propos Guillaume Limatola 126 Articles
Journaliste

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