Logan Lucky, l’anti Ocean’s Eleven

Logan Lucky

de Steven Soderbergh

Comédie, Thriller

Avec Channing Tatum, Adam Driver, Daniel Craig, Riley Keough, Seth MacFarlane

Sorti le 1er novembre 2017

À la sortie de Behind the Candelabra, diffusé sur HBO aux États-Unis, Steven Soderbergh avait crié sur tous les toits qu’il ne tournerait plus pour le cinéma. Après être passé par la case « série » avec The Knick, qu’il a réalisée dans son intégralité, le voici pourtant revenir à du cinéma prévu pour le grand écran, avec un film dont le genre et la trame n’est pas sans rappeler certains de ses films antérieurs, à savoir la saga des Ocean’s.

Fraîchement viré pour d’obscures raisons du chantier sur lequel il travaillait, et en conflit permanent avec son ex-femme quant à la garde de leur fille, Jimmy Logan se met en tête de voler les recettes de la plus grosse course automobile de l’année, avec l’aide de son frère Clyde – autre laissé-pour-compte de l’Amérique, revenu d’Irak avec un bras en moins – et de sa sœur Mellie. Mais pour arriver à ses fins, la fratrie à besoin du concours d’un expert en la matière, le légendaire plastiqueur de coffres Joe Bang, qui se trouve actuellement purger une peine de prison.

Si les prémisses de Logan Lucky font donc irrémédiablement penser à Ocean’s Eleven et à ses suites, de par son aspect de « film de casse », il en est pourtant pratiquement l’antithèse. Là où les films menés par George Clooney et consorts surjouaient le côté bon chic bon genre et les références au Hollywood de l’âge d’or, avec son parterre de stars bien habillées et bien coiffées, Logan Lucky se présente plutôt comme une sorte de revanche des faibles, dans laquelle des antihéros issus du peuple utilisent leurs modestes moyens et le fameux système D pour réussir leur « casse du siècle ». Il n’est pas question ici de gentlemen cambrioleurs gominés issus d’un imaginaire fictionnel rétro et légèrement bling-bling, mais bien d’un sursaut d’orgueil de l’Amérique profonde, qui tente de se prouver qu’elle aussi est capable de se hisser au niveau du fantasme du criminel génial induit par la fiction dans l’imaginaire collectif.

Porté par cette envie de refaire un « film de casse » plus ancré dans une réalité actuelle que ne l’étaient les Ocean’s, Soderbergh ne peut qu’exposer son film à une certaine forme de déceptivité, encore accentuée par le rythme assez lent de l’ensemble et l’impression que ses protagonistes font constamment du surplace – avant l’inévitable retournement de situation final, qui remet en question les motivations et les attitudes de chacun. Mais cette allure peinarde et ce ton faussement détaché permettent également au film d’exister en dehors d’un genre très balisé, et de s’imposer dès lors comme un film de personnages, envers lesquels le metteur en scène et les acteurs – tous très bons – font d’ailleurs preuve d’une évidente tendresse. Et ce n’est déjà pas mal du tout.