L’heure et la seconde au Varia

De La Fabrique imaginaire, avec Eve Bonfanti, Simonne Moesen, Yves Hunstad, Etienne Van der Belen

Du 21 avril au 2 mai 2015 à 20h30 au Théâtre Varia

L’écrivain Daniel Pennac décrit ainsi l’ambition d’Yves Hunstad et Eve Bonfanti, les créateurs de la Fabrique Imaginaire : « non pas remettre le réel en ordre, non pas expliquer le chaos, non pas rassurer, non pas inquiéter, mais proposer qu’à ce chaos universel réponde un imaginaire sans limite ».

Ce goût du décalage, de la poésie rêveuse et de la fantaisie douce est bien au cœur de L’heure et la seconde. Au départ, les auteurs voulaient parler du bonheur. Mais cette notion les a conduits à s’interroger sur tout ce qui entre dans la composition du bonheur : notre rapport au temps, à l’espace, à la Terre, et surtout les mystérieuses connexions des milliards d’atomes et de neurones qui nous rattachent au monde. De ces perspectives vertigineuses, ils ont construit un spectacle qui nous emmène très loin : avec L’heure et la seconde, on entre dans l’imagination d’un écrivain qui s’efforce tant bien que mal de raconter une histoire où de drôles d’astronautes, perdus dans une station spatiale, regardent la terre et les étoiles, sans bien savoir où les mène leur voyage.

La pièce fait alterner trois types de scènes : d’abord, celles où l’auteur, tout seul, divague sur tout et rien, du mouvement des molécules de sucre dans une tasse de café à l’infinité du cosmos, avec un sens de l’absurde plutôt déconcertant. Ensuite, celles où sont mis en scène les personnages de son roman, qui évoquent leurs expériences émerveillées de l’espace ou, plus trivialement, cherchent désespérément la cuisine de la station spatiale. Enfin, les scènes où la fiction et le présent de l’écrivain se mêlent : ses personnages lui rendent visite, bavardent avec lui depuis l’espace, lui donnent quelques conseils d’écriture.

C’est certain, la Fabrique de l’imaginaire ne manque ni de style, ni de personnalité. Ils sont nourris par un plaisir de l’enchantement naïf, de la maladresse et de l’humour absurde teinté de mélancolie, qui révèle une tendresse amusée pour les êtres humains, leurs folles aspirations, leurs manques et leurs émotions.

Le premier monologue d’Yves Hunstad est vraiment drôle. Le début de ce voyage sans triomphe dans les grands espaces de l’imaginaire, fonctionne et accroche les spectateurs, dans toute son étrangeté. On aimerait bien poursuivre l’aventure sur le même ton, mais la suite de la pièce ne parviendra malheureusement pas à retenir autant notre curiosité. Si le côté approximatif de l’ensemble, visiblement assumé, a quelque chose de touchant, l’aspect inabouti du récit et le jeu plutôt mou des acteurs prennent rapidement le dessus, diluant notre attention. Le spectacle manque de rythme et d’équilibre et la plongée dans le roman en germe dans la tête de l’auteur, piste prometteuse, est laborieuse. Malgré l’humour léger et la délicatesse du propos, l’ennui guette. Comme dans la station où évoluent les apprentis astronautes, l’impression qui domine est finalement celle d’un vague flottement un peu cotonneux qui ne réussit pas vraiment à nous envelopper. Au théâtre, même le rêve a besoin d’une colonne vertébrale pour nous emporter dans ses limbes, et celle de L’heure et la seconde paraît bien fragile.

A propos Emilie Garcia Guillen 113 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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