Les proies : Sofia Coppola en pleine guerre de Sécession

Les proies

de Sofia Coppola

Drame

Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst

Sorti le 6 septembre 2017

Déjà 4 ans que Sofia Coppola a tourné son dernier film (The Bling Ring en 2013). On la retrouve à la tête d’une énième réalisation sur la position féminine dans des époques ou des situations peu propices à ce statut. Elle choisit cette fois la période de la guerre de Sécession, qui voyait s’affronter le Nord et le Sud des différents états nord-américains. Pour cela, Coppola explore à nouveau le roman de Thomas P. Culligan, The Beguiled, 26 ans après la version de Don Siegel avec Clint Eastwood qui elle, était plus centrée sur son héros. La réalisatrice se focalisera a contrario sur son casting féminin.

Tout débute en Virginie, en 1864. Aux abords d’un pensionnat pour jeunes filles, la cadette, cueillant des champignons, découvre le caporal McBurney blessé grièvement et le ramène jusqu’à la bâtisse. Miss Martha, la sévère directrice, décide de faire preuve de charité chrétienne et de soigner le blessé jusqu’à sa guérison. Petit à petit, sa présence détonne et chacune des sept habitantes change : le désir de plaire touche tout le monde de manière différente et les rivalités s’installent. Une question se pose : est-ce qu’il faut le laisser partir ?

Comme dit précédemment, le premier film de Don Siegel se centrait sur le héros qui se retrouve isolé au milieu d’un climat hostile et attirant. Dans cette version-ci, le rôle interprété par Colin Farrell (impeccable de sobriété) est un homme normal, perdu dans une situation qui le dépasse. Au départ, il tente de tirer parti de cette situation flatteuse et en devient le dindon de la farce. Car la véritable vedette, c’est son casting féminin emmené par les plus adultes des protagonistes : Nicole Kidman (d’une froideur délectable), Elle Fanning (impeccable en beauté faussement ingénue) et surtout Kirsten Dunst, qui crève l’écran dans son rôle de vieille fille frustrée. Son visage change avec les années qui passent et elle explore de plus en plus une complexité d’interprétation qui n’était pas si visible à ses débuts, cantonnée à des rôles centrés sur sa beauté.

L’autre fait remarquable dans Les proies de Coppola est bien entendu la forme. Elle instaure un climat tout en tension sexuelle et en répétition de scènes quotidiennes récurrentes. Le temps se déroule de manière tellement réaliste et simple, que les scènes agressives ou de tensions n’en deviennent que plus intenses. Pour parfaire ce climat déjà lourd, la réalisatrice filme ses personnages dans une sorte de huis clos où tout ce qui est en dehors du pensionnat n’est que suggéré : la brume entoure la maison, les boulets de canon explosent en fond sonore et les rares soldats sudistes n’apparaissent que sporadiquement en petits groupes, sans pour autant changer quoi que ce soit à la vie des pensionnaires.

Les proies, prix de la mise en scène à Cannes, est à nouveau une belle réussite de Sofia Coppola. Et si quelques personnes lui reprocheront d’éluder les personnages afro-américains du roman original ou de ne pas forcément aller au bout des choses, il faut accepter ce film pour ce qu’il est : une vision de la réalisatrice qu’il ne faut pas comparer au film des années 70, mais à sa recherche permanente des tourments de ses héroïnes (comme dans Virgin Suicides, Marie-Antoinette ou The Bling Ring). C’est aussi l’occasion de découvrir l’ancienne beauté fatale, Kirsten Dunst, une nouvelle fois  – après Les figures de l’ombre – dans un rôle de femme austère et de découvrir de nouvelles facettes de son jeu.

 

 

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine