Les Huit Salopards, quand Quentin se fait plaisir…

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les huit salopards poster

Les Huit Salopards (The Hateful Eight)

de Quentin Tarantino

Western

Avec Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh, Tim Roth, Michael Madsen

Sorti le 6 janvier 2015

Quand Quentin se fait plaisir, nous aussi !

Du moins pour les fans absolus de westerns. Car plus encore que Django Unchained dans lequel ce fou de cinéaste s’initiait déjà au grand Ouest, il s’agit avec The Hateful Eight de nous imprégner de tous les éléments qui firent le succès des westerns spaghettis de la grande époque. Dans ses interviews, Tarantino ne s’en est pas caché : pour faire ce film, il est retourné aux plaisirs de sa propre enfance, dans les années 60. Comme un gamin qui a l’occasion et la possibilité de jouer « en grand », il reconstitue avec ce très long métrage (plus de 3h quand même) tout ce qu’il a aimé dans les westerns de sa jeunesse, y parsemant bien évidemment quelques ingrédients personnels. Un de ceux-ci se révèle dans le parti pris d’un huis clos, pour le moins intense. Peu habituel chez Tarantino à moins de remonter à Une nuit en enfer, et peu vu dans les westerns en général.

Mais résumons rapidement :

Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth fait route vers Red Rock, où il conduit une bandit, Daisy Domergue, se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat noir lui aussi chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par un fort blizzard, les quatre personnages trouvent refuge dans une auberge où ils sont accueillis par quatre hommes mystérieux. Où sont donc passés les occupants habituels de l’établissement ? Qui sont ces hommes qui ont l’air de tout sauf d’être ce qu’ils disent être ? Si piège il y a, quel est-il exactement ? Sur fond de tempête, les récits de chacun vont former un réseau d’intrigues et de faux-semblants d’où émergeront quelques trahisons et ententes inattendues autant qu’éphémères.

Admettons, notre admiration pour Tarantino est sans bornes, ou presque. Nous ne négligerons pas cependant, force est de l’admettre, que la première heure du film se révèle parfois… barbante. Et oui… Trop de palabres, un temps de mise en place des personnages et de la situation un tantinet trop long. Nous nous sommes surpris à fermer les yeux d’ennui (et nous déplorons de devoir l’avouer). Et ce, malgré une bande-son incroyable ! À cette petite heure chagrine, retirons cependant les dix premières minutes. En effet, la séquence d’ouverture sauverait n’importe quel film de la médiocrité. Il ne s’y passe rien, ou pas grand-chose, mais le sublime des paysages immaculés des Rocheuses couplés à la musique de Morricone produisent chez le spectateur un effet proche de l’extase. Le cinéaste a eu l’excellente idée de suivre sa passion jusqu’au bout en filmant en Ultra Panavision 70mm, un format utilisé pour la dernière fois en 1966 et permettant d’obtenir des images très larges. Franchement, rien que pour ça, ça vaut la peine de se déplacer au cinéma.

Mais une heure, ce n’est que le tiers de ce film, et quitte à payer sa place, tenez le coup, les deux suivantes valent quand même le détour malgré des inégalités dans le rythme général. Les personnages sont juste fantastiques, particulièrement le Major Marquis Warren joué par Samuel L. Jackson, toujours aussi sage, fou et cruel. À ses côtés, la seule femme du lot des huit salopards, Daisy Domergue, est interprétée par une époustouflante Jennifer Jason Leigh, méconnaissable, horrible… simplement merveilleuse. Pour le reste, un casting d’habitués. Quentin a réuni sa petite famille et leur fait jouer une sorte de variante réussie des romans d’Agatha Christie, les Dix Petits Nègres ou Le Crime de l’Orient-Express. Nous sommes dans une pièce de théâtre où se mène une enquête palpitante et aussi sanglante et violente qu’on peut l’espérer d’un Tarantino.

Certains seront certainement déçus. On est loin de l’action débordante d’un Kill Bill ou d’un Django. Même les amateurs de westerns souhaiteront probablement plus de grands espaces et de poursuites au galop. Tous les personnages ne sont pas très développés, pas assez. Peut-être que ceux qui apprécieront le plus sont ceux qui aiment le théâtre avec ses portes qui claquent, ses situations cocasses et ses chausses-trappes, avec ces attitudes, ces dialogues plus figés. Malgré les notes de violence extrême, on ne retrouve pas ici, malheureusement, de scènes aussi intenses que dans ses précédents opus. Quentin s’est amusé, il nous amuse mais pour une fois, ne nous éblouit pas totalement avec ce film un peu fade que nous continuerons à qualifier de « bon », mais dont il manque les échappées auxquelles le réalisateur nous avait habitués.

A propos Mélanie Noiret 2 Articles
Journaliste - Critique

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