Les femmes et la Révolution, de Christine Le Bozec

Titre : Les femmes et la Révolution, 1770-1830
Auteure : Christine Le Bozec
Éditeur : Passés composés
Sortie : 10 avril 2019
Genre : Essai, histoire

Les femmes et la Révolution, 1770-1830 est un essai historique de Christine Le Bozec sur la participation des femmes à la vie publique pendant la Révolution française, ainsi que pendant les années immédiatement antérieures et postérieures à cet évènement. Docteure en histoire et ancienne professeure d’université, Le Bozec offre ici un ouvrage de vulgarisation concis et accessible, y compris pour les lecteurs peu familiers de la période. Ceux-ci y trouveront une bonne introduction au sujet, avec des références bibliographiques utiles en fin d’ouvrage pour aller plus loin.

Les lecteurs ayant déjà lu ou effectué des recherches sur le rôle des femmes dans les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles risquent toutefois d’être déçus. Les sources citées dans le texte sont intéressantes mais ne contiennent aucune « pépite ». On aurait aimé par exemple l’insertion de quelques visuels pour illustrer le propos, tels que des représentations de femmes dans les caricatures et les tracts révolutionnaires (le choix ne manque pas) ou dans les œuvres d’artistes de la période.

Sur le fond, l’ouvrage n’apporte pas grand-chose de nouveau. Le choix d’accorder une place importante aux salonnières est certes intéressant, mais cela créé un certain déséquilibre car les passages consacrés aux femmes du peuple (ouvrières, commerçantes, paysannes) sont assez peu développés, bien que celles-ci aient également joué un rôle important (et parfois plus important que celui des femmes de la noblesse et de la bourgeoisie) dans les mouvements insurrectionnels. Le travail exceptionnel de Dominique Godineau sur la contribution des femmes du peuple à la révolution est certes mentionné, mais trop peu exploité.

Les principales thèses développées par Les femmes et la Révolution, quoique bien étayées, ne sont pas toujours formulées de manière convaincante. Ainsi, l’auteure s’attèle avant tout à démonter ce qu’elle décrit comme « le mythe de la salonnière d’Ancien Régime, femme libre et libérée » (p. 199). Un « mythe » franchement contestable car, si les salonnières bénéficient en effet d’une réputation de femmes lettrées et influentes, à la fois auprès de leurs contemporains, et auprès des historiens d’aujourd’hui, peu d’ouvrages les présentent comme des femmes libres et beaucoup d’auteurs insistent au contraire sur l’importance des conventions sociales et sur la façon dont la liberté de ton dans les salons contraste avec la nature codifiée des relations sociales hors de ces lieux de rencontres et de débats.

De même, l’affirmation selon laquelle les femmes auraient perdu leurs droits « culturels » mais conservés leurs droits « civils » après 1799 est en partie contestable. Si Le Bozec a raison de souligner l’exclusion des femmes des institutions culturelles officielles, le nombre de femmes artistes au début du XIXe siècle est loin d’être inférieur à celui de la période précédente. En matière de droits civils, le retour en arrière sur le droit au divorce illustre par ailleurs une forte régression des droits des femmes suite à l’adoption du Code civil par Napoléon.

C’est finalement la partie centrale de l’ouvrage qui offre l’analyse la plus intéressante, en décrivant les différentes modalités d’action des femmes pendant les différentes phases de la Révolution française. La dernière partie sur les années 1799-1830, très rapide, n’offre que très peu d’éléments sur l’impact pour les femmes de la période de transition entre la chute de l’Empire napoléonien et la Restauration.

Les femmes et la Révolution est donc une lecture principalement destinée aux curieux qui s’interrogent sur le rôle des femmes de 1789 à 1799. Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur les conditions de vie des femmes du peuple et sur les représentations de la femme en lien avec l’iconographie révolutionnaire, on recommandera plutôt les excellents ouvrages et articles de Dominique Godineau (Citoyennes tricoteuses) et Michelle Perrot (Les femmes ou les silences de l’histoire).

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