Les Chatouilles, une œuvre salvatrice et utile

Les Chatouilles
d’Andréa Bescond et Eric Métayer
Drame
Avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac
Sorti le 9 janvier 2019

Dans cette œuvre partiellement autobiographique, la danseuse professionnelle Andréa Bescond nous partage ses traumatismes liés aux violences sexuelles qu’elle a vécues enfant et son chemin vers la résilience.

Elle s’appelle Odette (Cyrille Mairesse) et a huit ans. Elle aime la danse, le dessin, ses parents mais pas les « chatouilles » que lui inflige Gilbert (Pierre Deladonchamps), un ami de la famille. Adulte, Odette (Andréa Bescond) danse sa colère, se noie dans la drogue pour anesthésier ses douleurs et se confie à intervalles irréguliers à sa psychologue. Seule au courant des horribles événements, celle-ci va tenter de libérer au maximum la parole de sa patiente.

Avec une mise en scène ultra dynamique et vitaminé, Odette nous plonge dans ses souvenirs crus, parfois fantasmés, à la limite de la fantaisie. Ce qui rend le récit décousu et illustre parfaitement l’esprit torturé et instable de la protagoniste.

Avant d’aboutir au long-métrage, Andréa Bescond s’exprime d’abord dans la pièce de théâtre Les Chatouilles ou la danse de la colère, un « seule en scène » également co-écrit avec Eric Métayer et acclamé par la critique. L’idée de transposer cette histoire sur grand écran permet d’impliquer l’entourage de la victime et de voir les différents rapports de force entre les personnages. Point commun : personne n’a rien vu venir. Les Chatouilles met un point d’honneur à démontrer que la pédophilie n’a pas de visage, ni de milieu social.

Clovis Cornillac en père poule, Karin Viard en mère névrosée, Guillaume Tranchant (aka Gringe, le poto d’OrelSan) en meilleur ami délinquant au grand cœur, tous incarnent leur rôle avec justesse. Tandis que Pierre Deladonchamps, en pédophile manipulateur, arrive avec succès à nous faire transpirer de malaise et de rage. Mais la puissance de l’œuvre revient surtout à Andréa Bescond, qui livre une prestation à couper le souffle, sans aucun filtre.

Les Chatouilles a réussi la difficile tâche de ne pas avoir « surdramatisé » le récit, de jouer la carte du larmoyant pour ce sujet aussi sensible et tabou qu’est la pédophilie. Le spectateur n’est pas matraqué de séquences insoutenables et parvient même à esquisser un sourire dans certaines scènes aux piques absurdes.

Andréa Bescond et Eric Métayer nous offrent une œuvre éducative, importante et salvatrice. Et pour ceux qui ne sont pas intéressés par l’aspect sociétal, la réalisation et les danses cathartiques valent définitivement le coup d’œil.

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Journaliste du Suricate Magazine