Lean on Pete – La Route Sauvage, voyage à travers les vestiges de l’Americana

Lean on Pete

d’Andrew Haigh

Drame

Avec Charlie Plummer, Chloë Sevigny, Steve Buscemi, Travis Fimmel, Steve Zahn

Sorti le 18 avril 2018

Après avoir réalisé deux films et une série autour de l’homosexualité (Greek Pete, Weekend et Looking) ainsi qu’un film assez cruel, presque « hanekien », sur le couple (45 Years), le britannique Andrew Haigh semble se diriger vers quelque chose de plus « mainstream » avec l’adaptation d’un roman (La Route sauvage de Willy Vlautin) sur l’amitié entre un jeune garçon et un cheval, ainsi que sur leur périple à travers les États-Unis.

Vivant dans l’Oregon avec un père fantasque et coureur, Charley Thompson, 15 ans, se trouve un petit boulot auprès d’un entraineur de chevaux. Il commence à s’occuper plus particulièrement de Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière. Lorsque son père décède suite aux blessures reçues lors d’un règlement de comptes, Charley décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante, dont il ne garde qu’une photo jaunie et quelques souvenirs d’enfance. Mais le périple de Charley et de Pete ne sera pas linéaire et le jeune homme se retrouvera vite dans des situations qu’il ne prévoyait pas.

Finalement, l’ébauche d’amitié se tissant entre Charley et Lean on Pete apparaît assez vite comme un prétexte, un MacGuffin pour parler presque exclusivement de Charley et de son dur périple – extérieur et intérieur – suite à la mort de son père. Lorsque l’on arrive en fin de parcours et que le projet du film apparaît dans sa globalité, le titre fait presque figure de diversion, tant le cheval n’est au final que très secondaire dans ce que Andrew Haigh veut raconter.

Le fait de vouloir ainsi « tromper » le spectateur, de l’emmener sur une fausse piste pour ensuite mieux le faire dévier vers une autre direction, guidé par le parcours de son personnage principal, n’est a priori pas une mauvaise idée, et inscrirait même le film dans la lignée d’autres, entièrement dirigés par le destin de leurs personnages (Boyhood, La Vie d’Adèle, etc.). Mais Lean on Pete n’a pas l’ampleur de ces films-là, et se situe plutôt à mi-chemin entre un film indépendant américain de facture courante et une œuvre de festival, s’appliquant à décrire une certaine forme de déchéance de son personnage principal, de manière presque entomologique.

Le dernier tiers, embrassant pleinement le genre et le style du naturalisme social, glisse indubitablement dans cette dérive, sans pour autant se départir de l’Americana qui berce tout le film, cette évocation pittoresque d’une Amérique mi-réaliste mi-légendaire, hantée par ce qui la traverse factuellement et ce qu’ont plaqués sur elles les fictions qu’elle à engendrées. Lean on Pete est donc un film qui se cherche entre fable et naturalisme, dans un décor lui-même en pleine crise de schizophrénie entre fiction et réalité.