Le petit homme de Sudabeh Mortezai

macondo le petit homme affiche

Le petit homme

de Sudabeh Mortezai

Drame

Avec Ramasan Minkailov, Aslan Elbiev, Kheda Gazieva

Sorti le 6 mai 2015

Réfugié en Autriche avec sa mère et ses deux sœurs, Ramasan essaie de remplacer du mieux qu’il peut son père mort en Tchétchénie. À 11 ans à peine, il est déjà un homme sous ses allures de petit garçon. Entre la garde de ses petites sœurs, les courses au supermarché et son rôle d’interprète auprès de l’administration, il a fort à faire pour maintenir un certain équilibre familial. Mais celui-ci va vaciller avec l’arrivée d’Issa, un ami de son père qui tente de se rapprocher du foyer de Ramasan.

Sur fond d’immigration, de demandes d’asile et de souvenirs du conflit Tchétchénie-Russie, Le petit homme raconte le quotidien d’un enfant cabossé par la vie, en lutte contre lui-même, coincé entre ses désirs d’adolescent et ses devoirs de chef de famille. Objet d’observation intense, le jeune Ramasan aurait pu certainement être un héros digne des frères Dardenne. Personnage attachant, à la fois écrasé par le poids des habitudes patriarcales et en quête d’un nouveau modèle masculin, il évolue sur un terrain défavorisé et va se construire par lui-même comme bon nombre de personnages des cinéastes liégeois. L’interprétation remarquable de Ramasan Minkailov, d’un naturel confondant dans la peau d’un jeune en crise, apporte beaucoup au film. D’autant plus que la caméra de la réalisatrice Sudabeh Mortezai épouse le point de vue de l’enfant et ne le lâche pas d’une semelle. À travers les gestes habituels et les yeux de son jeune héros, elle parvient à créer une certaine empathie pour lui en amenant le spectateur au plus près de son petit monde (la mosquée, l’école, le terrain de jeu, les travailleurs sociaux…).

C’est dans le camp de réfugiés de Macondo à Vienne, où cohabitent plus de 2000 personnes d’une vingtaine de pays différents, que Sudabeh Mortezai a choisi de planter son décor. Elle a décidé de travailler avec des acteurs non professionnels en laissant le plus possible le champ libre à l’improvisation. Si la cinéaste autrichienne a réussi à ancrer son récit sans trop de difficultés dans la réalité sociale de jeunes immigrés, cela tient peut-être au fait qu’elle a vécu le même genre d’expérience (elle est originaire d’Iran) que beaucoup de jeunes étrangers, partagés entre un « ici » et un « là-bas ».

A la lisière du documentaire, son premier long-métrage de fiction a une réelle volonté d’authenticité. Il montre les choses telles qu’elles sont, sans les enjoliver ou les exagérer (pas d’éclat de voix, de violence policière, de crises de colère). En faisant dans la retenue et dans la simplicité, le film contourne les clichés et permet une certaine mise à distance bien utile pour scruter les ambivalences de la relation entre Issa et Ramasan. Sous la protection de l’ami de son père, Ramasan va passer par différents états (d’admiration, de jalousie, de méfiance et de déception) et vivre des expériences diverses pour finir par apprendre qu’on peut se changer en homme sans devenir forcément son père.

Malgré quelques longueurs scénaristiques, notamment les scènes naturalistes (les promenades et siestes dans le bois sont sujets à de longues rêveries), Sudabeh Mortezai signe une fable empreinte d’humanisme qui laisse entrevoir la difficulté de rester un enfant quand la vie se fait plus dure et pousse à grandir vite.

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