Le Manoir, les youtubeurs fightent le mal

Le Manoir

de Tony Datis

Comédie, Epouvante-horreur

Avec Kemar, Natoo, Ludovik, Jérôme Niel, Yvick Letexier, Vincent Tirel, Vanessa Guide

Sorti le 21 juin 2017

Quelque part, au fin de fond de la Wallonie, dans un manoir isolé, une bande d’étudiants français en fin de cursus vient fêter la nouvelle année. Alors que tous les ingrédients semblent réunis pour passer un réveillon digne de ce nom, une série d’évènements étranges s’invite à la fête. Et quand l’un des jeunes gens est retrouvé mort, la panique s’empare du groupe.

Imaginez-vous devant votre ordinateur. Imaginez que vous êtes chargé d’écrire un dialogue humoristique. Si vous ne vous y êtes jamais testé, il y a fort à parier que votre dialogue se composera d’une succession de vannes déblatérées par un premier personnage excessivement jovial. En réponse, vous créerez un second personnage aigri et à l’humour cassant. Bref, vous ferez naître un duo similaire à celui de Minus et Cortex qui, sans la présence d’une trame sous-jacente solide, deviendrait très vite lassant.

Et bien, c’est exactement ce style de dialogue que l’on retrouve dans la première réalisation de Tony T. Datis, auparavant connu pour la qualité de ses clips musicaux tels que Bangarang pour Skrillex ou encore Wide Awake pour Katy Perry (706 millions de vues sur Youtube). De fait, alors que visuellement Le Manoir tire admirablement son épingle du jeu, Tony (Truand) Datis est plombé par un scénario à huit mains – celles des scénaristes de Vive la France et Fatal -, bourré exclusivement d’humour laconique voire compendieux, et lesté d’une kyrielle de personnages aux traits aussi grossis que la grenouille de Jean de La Fontaine.

Dans Le Manoir, tout est exagéré. Si dans un slasher digne de ce nom, les personnages se doivent d’être des clichés ambulants, ceux-ci sont la parodie d’eux-mêmes, à savoir la parodie de leurs interprètes : les Youtubeurs à la mode. Cela donne un super-puceau, une méga-timide, une extra-pouf, un hyper-caractériel, un giga-défoncé, … qui provoquent un sentiment d’incompréhension chez le spectateur un tant soit peu terre-à-terre.

Mais voilà, comme dit précédemment, la photographie et la scénographie du film ne sont pas mauvaises. Bien au contraire, certains plans sont même léchés. Une qualité non négligeable qui permettrait dès lors de voir un bon slasher à défaut d’une bonne comédie. Mais là encore, le bât blesse. Alors qu’on se complaît à s’imaginer notre bande de cas sociaux se faire occire par un sanguinaire sociopathe (NDLR : tueur spécialiste des cas sociaux en liberté narrative), on fait face à un « tueur » inintéressant et décevant, dont la traque rappelle celle de l’épisode La maison hantée de la série Les Intrépides (cliquez ici pour voir le chef d’oeuvre).

En résumé, la promesse d’un slasher humoristique à la française avait de quoi faire saliver, surtout que le champ était libre depuis la sortie du célèbre film canadien Tucker et Dale fightent le mal (2010). Mais, alourdi par son exagération scénaristique et sans cesse « amateurisé » par le trop peu d’expérience de ses acteurs, Le Manoir finit par passer à côté de son sujet.

 

 

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.