Laura Laune : « Soit on me prend avec mon humour, soit je ne viens pas ! »

Photographe : Julie Caught / Maquillage : Charlotte Chenoz

Sortie gagnante de la douzième saison de La France a un incroyable talent, l’humoriste belge Laura Laune n’en finit plus d’étonner outre-Quiévrain. Maniant l’humour noir avec habilité derrière les traits d’un personnage faussement ingénu, la jeune trentenaire remplit les salles de l’Hexagone et affiche d’ores et déjà complet jusqu’au mois de mai.

Un succès retentissant qui apporte son lot de doutes et de polémiques, aussi infondées que superfétatoires. Qu’à cela ne tienne, Laura Laune continue de prouver à son public qu’une petite fille peut aussi enfiler le costume du vilain diable.

Rencontre avec une jeune femme pleine d’humilité, de sympathie et d’enthousiasme.

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Vous êtes partie très tôt vous produire en France. Depuis, votre notoriété a dépassé les frontières et vous voilà connue dans votre propre pays. Pour un humoriste belge, faut-il obligatoirement passer par la France pour être connu ou pour réussir tout simplement ?

C’est assez bizarre. Souvent, on me dit que je ne joue pas assez en Belgique, que j’ai renié mon pays pour partir en France. Ce n’est pas vrai ! La réalité, c’est que j’ai reçu beaucoup plus de propositions en France qu’en Belgique. Mais je suis à chaque fois hyper contente et fière de revenir en Belgique. L’ambiance y est beaucoup plus cool.

Lorsque j’en parle avec d’autres artistes belges travaillant en France, ils disent tous la même chose : c’est difficile de percer lorsqu’on n’est pas connu en Belgique. Par contre, une fois que ça fonctionne en France, la Belgique s’intéresse alors à nous. Je pense que la France est un passage obligé.

Récemment, vous êtes sortie gagnante de la douzième saison de La France a un incroyable talent. Pourtant, quelques années auparavant, vous êtes passée à côté de Belgium’s Got Talent

En fait, pour Belgium’s Got Talent, j’ai commis une erreur. À l’époque, lorsque j’ai proposé mes sketchs, ils m’ont dit : « Tu ne peux pas dire ça en télé, c’est pas possible ! ». On m’a donc proposé d’écrire un truc léger, familial et tout public. Mon erreur a été d’accepter d’écrire quelque chose qui ne me correspondait pas du tout. Depuis, soit on me prend avec mon humour, soit je n’y vais pas.

Avant La France a un incroyable talent, vous aviez déjà une certaine notoriété. Dès lors, pourquoi avez-vous accepté de participer à cette émission ? En sachant que de nombreux artistes plus ou moins confirmés refusent de figurer dans les télé-crochets…

Je n’ai pas vraiment conscience du fait que je sois connue ou pas. Par contre, je sais qu’avant l’émission, je jouais à Paris dans des salles à moitié vides et qu’aujourd’hui, elles sont pleines. Cela dit, au départ, j’avais refusé. Mais le fait qu’ils me laissent faire, qu’ils me laissent développer mon propre style d’humour m’ont convaincue. C’est la première fois qu’un média me laissait cette liberté et me soutenait.

Est-ce difficile de faire face à un jury qu’on est susceptible de connaître ? Je pense par exemple à Eric Antoine que vous aviez déjà du croiser auparavant.

C’est vrai que nous nous étions déjà croisés. Par contre, il ne savait pas du tout que j’allais faire l’émission et il ne connaissait pas du tout les sketchs que j’allais montrer. Ses réactions étaient donc très spontanées. Mais il est vrai que c’était assez stressant d’être face à lui, car c’est un excellent humoriste dont je suis fan.

Justement, y a-t-il des humoristes qui vous inspirent ?

C’est difficile de répondre à cette question, car je n’ai pas véritablement de modèle ou de mentor. Par contre, je suis très fan des séries drôles comme Friends ou The Big Bang Theory. Et ce qui m’a vraiment donné l’envie de me lancer dans ce métier, ce sont les humoristes anglophones comme Jim Jefferies ou Sarah Silverman. Des gens qui montent sur scène pour faire passer un message.

Vous vous produisez aujourd’hui au Petit Palais des Glaces et vous allez bientôt jouer à la Comédie de Paris, deux salles parisiennes dirigées par Jean-Pierre Bigard, le frère de Jean-Marie Bigard. Pourquoi ne pas aller directement au Palais des Glaces, qui est plus grand ?

Jean-Pierre me l’a proposé, mais j’ai dit non. Comme ça décolle très vite, je n’ai pas envie de me brûler les ailes. J’y vais étape par étape. De plus, c’est plus facile de jouer dans une petite salle bien remplie qu’une grande salle moins remplie. Maintenant, si dans quelques mois, les salles sont toujours pleines, j’irai vers des salles plus grandes, très certainement.

Vous publiez depuis quelques temps des capsules humoristes sur Youtube avec un certain Guy Tarréro. Qui est-ce et comment l’avez-vous rencontré ?

C’est un ami en fait. On s’est rencontré sur ma toute première scène ouverte. C’était un plateau avec plein d’humoristes et lui faisait des chansons humoristiques. Ensuite, on a voulu travailler ensemble, sans jamais y parvenir. Plus honnêtement, je sais que je chante mal et j’avais donc peur de me lancer. Et puis un jour, je me suis décidée et cela a fonctionné.

Avez-vous utilisé ce moyen médiatique pour toucher plus de gens ou un autre public ?

Au début, j’ai fait ça pour rigoler. Je ne pensais pas que cela pouvait fonctionner. Que des gens viendraient voir mon spectacle parce qu’ils avaient vu mes vidéos. C’est cool ! Youtube, c’est un lien direct entre les artistes et le public. Sur Youtube, il n’y a pas besoin d’attendre que des médias t’offrent une place, tu la prends, tu fais ce que tu veux ! D’ailleurs, j’ai la volonté de développer ma chaîne, de faire plus de vidéos.

Les réseaux sociaux sont-ils incontournables pour un humoriste aujourd’hui ?

Oui, c’est incontournable. Les réseaux sociaux, c’est l’avenir. Les télés et les radios, c’est génial, mais les mecs qui cartonnent sur Youtube ont plus d’audience que n’importe quel autre média.

Nous avons regardé une de vos vidéos intitulée « Hanouna Matata » et nous avons constaté que la vidéo avait été supprimée pendant quelques temps. Pour quelle raison ? Avez-vous été censurée ?

Elle a été supprimée de Facebook après vingt-quatre heures. Je n’ai pas compris. Honnêtement, je ne sais pas ce qui s’est passé. J’ai fait des choses vachement plus trashs que cette chanson-là et elles n’ont pas été censurées. Mais bon, je n’ai pas cherché plus loin, cela reste un mystère (rires).

Selon vous, est-il plus difficile de pratiquer l’humour noir aujourd’hui qu’il y a cinq ou dix ans ?

Il y a davantage de contrôle sur ce que l’on dit. J’ai l’impression qu’on essaie sans cesse de créer la polémique pour montrer les gens du doigt. Et paradoxalement, en réaction à cela, les gens demandent à avoir une liberté de ton. Les gens viennent souvent me voir à la fin du spectacle en me disant « Que ça fait du bien de pouvoir rire de tout ! ». Il y a une sorte de lâcher-prise dans le spectacle, car on comprend que c’est du second degré.

Laura Laune co-animera le gala du Smile and Song Festival le 8 mars et présentera son spectacle intitulé « Le Diable est une gentille petite fille » le 17 octobre au Trocadéro de Liège et le 12 décembre au W:halll à Bruxelles. Elle sera également en tournée dans toute la Belgique.

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.