Tout l’argent du monde, entre Dickens et Le Carré

Tout l’argent du monde

de Ridley Scott

Thriller, Drame

Avec Mark Wahlberg, Michelle Williams, Christopher Plummer

Sorti le 27 décembre 2017

Au cours de l’été 1973, pendant les années de plomb en Italie, le petit fils de J.P. Getty (Christopher Plummer), magnat du pétrole, est kidnappé à Rome. Les ravisseurs réclament 17 millions de dollars. Le milliardaire, qualifié à l’époque « d’homme le plus riche du monde », refuse de payer un cent pour le jeune garçon. Sa mère Gail (Michelle Williams) entreprend de négocier seule avec les ravisseurs en vue de libérer son fils. Avec l’aide d’un ancien agent de la CIA (Mark Wahlberg), elle devra passer par toutes sortes de stratagèmes pour convaincre ce vieil avare de bien vouloir l’aider à récupérer l’héritier de son empire.

Ce film était très attendu du public : par les uns parce qu’il a fallu retourner en urgence les scènes intégrant Christophe Plummer – remplaçant de Kevin Spacey suite à son expulsion du projet – et par les autres, tout simplement parce que Ridley Scott est l’un des réalisateurs phares du cinéma américain de ces trois dernières décennies. Tirée d’une histoire vraie, l’action se situe pendant les années de plomb en Italie, époque où de grands fortunés et autres chefs d’entreprise étaient régulièrement enlevés pour la cause du peuple, mais moyennant rançon. C’est aussi l’époque des hippies et de la liberté sexuelle. C’est enfin l’époque où la mafia avait la main mise sur la société italienne.

Pour ce qui est de l’aspect technique, on est pas déçu, Ridley Scott maîtrise son sujet. La réalisation est magnifique et les acteurs sont très bien dirigés. Les années 70 sont particulièrement bien représentées, que ce soit au niveau des décors et des costumes, mais aussi au niveau de la musique.

Pour ce qui est du scénario, on peut être un rien dubitatif. Partant d’une histoire d’enlèvement, on s’attendait à un minimum de suspens mais Ridley Scott fait le choix (judicieux ou pas) de garder l’intrigue comme un fil rouge, un prétexte pour aborder tous les aspects de la vie des différents protagonistes : le combat d’une mère pour son enfant, l’aspect humain des ravisseurs, l’histoire de l’ascension de J.P. Getty etc… etc… On est dans un récit qui oscille entre Charles Dickens et John Le Carré avec un Scroodge des temps modernes dans une histoire mêlant mafia, CIA et Brigades Rouges. Malgré tout cela, on n’est jamais perdu dans l’histoire, ce qui est un petit miracle tellement on a de points de vue. Pourtant, on a tout de même un peu de frustration, car de nombreuses pistes abordées sont un peu trop vite éludées. D’autres, au contraire, sont un peu trop révélées et l’on se retrouve ainsi en situation d’omniscience, ce qui nous met dans un état de spectateur peut-être trop passif. Tout cela a pour conséquence de tuer quelque peu le suspens.

Au final, Tout l’argent du monde tourne un peu en rond, bien que très bien interprété et réalisé de main de maître. Laissant peu de part au suspens, c’est tout de même un film assez intéressant, attrayant et plutôt agréable à regarder. Ridley Scott aborde le thème de l’enlèvement que son défunt frère avait traité en virtuose – dans un style plus brut – dans le chef-d’œuvre qu’est Man On Fire (que nous conseillons au passage de revoir avec délectation).

A propos Bruno Pons 45 Articles
Journaliste du Suricate Magazine