L’Amant double, quand Ozon se prend pour Cronenberg

L’Amant double

de François Ozon

Thriller, Erotique

Avec Marine Vacth, Jérémie Renier, Jacqueline Bisset, Myriam Boyer, Dominique Reymond

Sorti le 14 juin 2017

Chloé, une jeune femme torturée et sujette à des maux de ventre chroniques, tombe amoureuse de Paul, son psychothérapeute, avec lequel elle emménage. Mais quand elle croit reconnaître son compagnon à un endroit où il ne devrait pas se trouver, Chloé se rend compte assez vite que celui-ci a un frère jumeau, également thérapeute, avec lequel il n’a plus aucun contact. Entretenant une relation ambigüe avec Louis, le jumeau mystérieux, Chloé plonge au cœur d’un cercle vicieux dans lequel réalité et illusion sont étroitement liées.

On sait que François Ozon n’aime pas s’enfermer dans un genre, ce qui rend sa filmographie hétérogène – mais on pourrait également dire impersonnelle –, et qu’il entretient un goût certain pour la provocation insidieuse, de l’ordre de l’épate-bourgeois semblant parfois venir d’un autre temps. En cela, L’Amant double est un film parfaitement « ozonien », de par le fait qu’il aborde le genre du thriller érotique d’une manière dont Ozon n’avait pas encore usé – en convoquant des références aussi écrasantes que Cronenberg, De Palma ou même Hitchcock – et par sa propension à vouloir choquer un public peut-être un peu trop confortablement installé dans son siège rembourré de multiplex, en le confrontant avec des images et des concepts prétendument sulfureux – dont un plan d’ouverture sur l’intérieur d’un sexe féminin en plein examen gynécologique.

Inutile de préciser que François Ozon n’a pas vraiment la même puissance de style que ceux dont il revendique ostentatoirement l’influence ici. On a donc beau fantasmer un film « cronenbergien », dans la directe lignée de faux-semblants – auquel L’Amant double fait immanquablement penser, par son sujet comme par le traitement de celui-ci –, la confrontation aux images d’Ozon, à sa mise en scène très lissée et à des réminiscences mal digérées de Cronenberg ou De Palma fait retomber très vite le soufflé de ce que le film pouvait provoquer comme attente.

Là où il devrait y avoir de l’étrangeté, du malaise et du trouble, il y a surtout de l’ennui et une sensation de gêne devant le rendu parfois à la limite du ridicule de certains dialogues ou de certains plans. Quand Jérémie Renier se dédouble ou que le corps de Marine Vacth mute lors d’une séquence qui devrait osciller entre onirisme et fantastique complet, on ne peut qu’y voir une fois de plus l’ombre de Cronenberg et imaginer ce que celui-ci aurait fait d’une telle scène.

Si Ozon aimerait probablement insuffler de l’étrangeté à son film, en faire une sorte d’énigme scénaristique et visuelle, il semble néanmoins totalement abandonner cette optique lors d’un dénouement étonnamment explicatif, qui retourne le film comme une crêpe et finit par anéantir le peu de mystère qu’il distillait encore malgré lui. Si Ozon veut bien malmener son spectateur, le tirer de sa zone de confort, il est nettement moins enclin à lui laisser une marge de liberté, et cette conclusion fermée, complètement imperméable à toute forme d’interprétation personnelle, en est la preuve criante.