La revalorisation des déchets de Sébastien Gendron

La revalorisation des déchets

auteur : Sébastien Gendron
édition : Albin Michel
sortie : février 2015
genre : polar/humour

On pourrait dire que Dick Lapelouse fait dans l’humanitaire qu’on ne s’y tromperait pas vraiment. Après tout, débarrasser les honnêtes gens de leurs nuisibles à moindre coût, c’est un fort louable combat. Et quand les honnêtes gens sont des cons et leurs encombrants les connards qui les persécutent, le business low cost de Dick Lapelouse devient matière à un livre jouissif même si parfois formaliste.

C’est dans la belle ville de Bordeaux que Dick Lapelouse a installé son office. Après avoir passé une bonne partie de sa vie à exprimer ses talents dans le monde du crime organisé, le criminel est pris d’une envie de réaliser de bonnes actions avec les moyens du bord. Il décide donc de monter une petite entreprise où il propose, pour un prix minime, d’assassiner les connards qui pourrissent la vie de monsieur et madame tout-le-monde. Il partage avec son voisin psy et ami un immeuble et Camille, une secrétaire d’un goût assez douteux qui voue une passion qu’on qualifierait volontiers de borderline pour le défunt Claude François. La vie s’écoule pépère pour Dick entre boulot, goulot et dodo jusqu’au jour où un mystérieux client vient la lui faire à l’envers.

La revalorisation des déchets met en scène Dick Lapelouse, personnage déjà utilisé par son auteur dans Le tri sélectif des Ordures où le généreux Dick tuait déjà à « prix cassés ». Mais ne vous en faites pas, pas besoin d’avoir ce roman au compteur, Sébastien Gendron vous prend par la main pour vous présenter le personnage en un chapitre montre en main. Vous ne serez donc pas largués si vous découvrez Dick Lapelouse avec La revalorisation des déchets.

Vous l’aurez compris, le petit dernier de Sébastien Gendron ne satisfera pas votre soif de tripes, mais a plus vocation à vous faire rire. Et le résultat est assez convaincant. Gendron manie la phrase avec autant de précision que Lapelouse ses armes. Il enchaîne les mots d’esprits et autres absurdités avec une dextérité confondante malgré certains passages qui semblent parfois trop écrits. On sent d’ailleurs une petite faiblesse d’écriture de l’auteur quand il traite de sentiments qu’il doit prendre au premier degré. Il a en effet plus de mal avec les états d’âme et les faiblesses humaines de son personnage qu’il traite souvent comme pour s’en débarrasser, un peu comme son personnage principal qui tente de se délester de ses problèmes chez son psy et ami.

Les personnages secondaires sont dans l’ensemble intéressants et pertinents surtout la secrétaire qui génère conflit sur conflit à cause de son amour inconditionné pour la variété française de mauvais goût. Les affaires de Dick Lapelouse sont également truculentes et à chaque client qui entre dans le bureau du saint tueur on ne peut s’empêcher de se demander comment celui-ci va opérer et comment Gendron va le mettre en mots. Cette curiosité, ce suspense, ne disparaît qu’avec la fin du roman. Car en plus d’être un orfèvre des mots, Gendron a un sens aigu du rythme et sait doser son récit pour qu’il ne lasse pas.

Malgré quelques passages qu’on sent motivés plus par la forme pure que par un intérêt narratif et quelques faiblesses au niveau du traitement de certains épisodes, La revalorisation des déchets reste un excellent roman drôle et intelligent qui prouve à quel point Sébastien Gendron est un maître du second degré.

A propos Mathieu Pereira 121 Articles
Journaliste

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