La petite histoire des courtisanes, l’histoire d’en bas

titre : La petite histoire des courtisanes
auteur : Marc Lemonier
édition : Jourdan
sortie : 12 juillet 2018
genre : histoire

Robert Brasillach nous a appris que l’histoire (la Grande !) est racontée par les vainqueurs. Ou par les hommes en fait. Au contraire, La petite histoire des courtisanes de Marc Lemonier s’inscrit plutôt dans le courant de « l’histoire d’en bas » qui privilégie l’histoire (la petite !) que l’on a malencontreusement « oublié » de raconter. Cette série de portraits est autant une somme de récits biographiques que la description d’une profession au statut social particulier.

La petite histoire des courtisanes ne manque pas de faire penser à Ni vues ni connues du collectif Georgette Sand ou aux désormais célèbres Culottées de Pénélope Bagieu. Ces livres ont en commun de « dés-invisibiliser » des personnalités féminines dont la vie ou les oeuvres ont été rendues anecdotiques ou carrément inexistantes. Cependant, dans cette recherche du temps perdu, le format privilégié est souvent celui de la liste. Cela a l’avantage de mettre rapidement sur le devant de la scène de nombreuses femmes, mais cela noie les histoires individuelles dans un chapelet de portraits. Le livre de Marc Lemonier renforce cette impression, car il se focalise sur des femmes ayant toutes exercé la même activité et à qui l’on attribue des listes d’amants-clients. Par ailleurs, certains portraits sont peu détaillés, comme celui de la courtisane indienne Umrao Jaan Ada. Celle-ci est tout au plus citée, tandis que « son » chapitre est en réalité dédié à la description du Kâma Sûtra. Enfin, si le livre fait preuve d’esprit critique, il ne prétend pas livrer une analyse socioéconomique du statut de la courtisane et de la femme plus généralement. Il se révèle donc être une lecture instructive, mais un peu superficielle.

La petite histoire des courtisanes couvre une période allant de l’antiquité au XIXème siècle et évoque surtout des courtisanes françaises et italiennes, même s’il est fait mention d’une courtisane chinoise, japonaise et indienne. Les portraits, plus ou moins approfondis, sont surtout l’occasion de décrire une profession particulière. Les courtisanes avaient en effet un statut à part dans la société. Ces femmes étaient souvent – mais pas toujours  –  plus libres que le reste de leur contemporaines, plus éduquées tant à la culture qu’à l’hygiène et loin d’être considérées comme des prostituées, elles faisaient partie de la haute société. La lecture nous apprend aussi qu’il s’agissait parfois d’un business lucratif transmis de mère en fille, la mère introduisant sa jeune fille dans son ancien réseau « d’amants ». Dans les portraits écrits par Marc Lemonier, la courtisane se rapproche parfois de la « self-made woman » qui a gravi les échelons sociaux, qui a su tirer parti de son statut et s’émanciper.

Veronica Franco de Venise est l’exemple d’une courtisane peinte par le Tintoret et devenue femme de lettres. Engagée, ses propos féministes finiront tout de même par lui coûter un procès. D’autres fois, on devine des vies plus tragiques comme celle de Yumi, une « oiran » japonaise de haut niveau, « adoptée » vers 8 ans, dépucelée à 13 ans et « formée pour le plaisir de l’homme » avant de pouvoir quitter son établissement à 28 ans. Enfin, bien que ce ne soit pas le propos de Marc Lemonier, l’auteur mentionne çà et là le sort plus misérable des prostituées de bas étage qui elles, sont restées aux pieds de l’échelle sociale.

La petite histoire des courtisanes est un livre qui se lit petit bout par petit bout et qui rajoute un fragment à l’histoire des femmes, quel qu’ait été leur rôle dans l’histoire ou leur statut dans la société.