La glace et le sel de José Luis Zárate

auteur : José Luis Zárate
éditon : Actes Sud
sortie : avril 2018
genre : science-fiction

La figure du vampire est, depuis longtemps, une source intarissable de créativité. Qu’il s’agisse du cinéma avec les nombreuses portées à l’écran entamées à l’aube du XXe siècle par le Nosferatu de Murnau, en chanson avec par exemple l’album Je suis au paradis de Thomas Fersen ou en littérature avec, pour ne citer qu’une auteure, les livres d’Anne Rice, la figure du vampire fait rêver et inspire toujours nombre de créateurs depuis la parution du Dracula de Bram Stoker.

Voici que sort aujourd’hui un nouveau livre prenant pour base cette figure mythique. Cette fois-ci, la nouveauté vient du fait que l’histoire racontée est à nouveau celle de Dracula, mais à un moment bien précis de l’histoire : celle de la traversée par bateau de Transylvanie jusqu’en Europe. Le point de vue adopté est, quant à lui, celui du capitaine du Déméter. Ainsi, l’équipage chargera sur le bateau des caisses de terre supposément destinées à une expérience scientifique. Il s’avérera en réalité qu’une de ces caisses contenait le comte Dracula lui-même. Tour à tour, les marins disparaîtront tandis que l’on croira à une épidémie.

Cette perspective est particulièrement intéressante car on imagine fort bien l’incompréhension de l’équipage face à un mal inconnu qui décime un à un les marins dans ce huis-clos nautique. Partant d’une note retrouvée dans la poche du capitaine, arrivé au port de Whitby mort attaché au gouvernail, José Luis Zárate a donc imaginé La glace et le sel. Mais si l’idée de départ a quelque chose de terriblement séduisant, le procédé narratif l’est nettement moins.

Avant toute chose, le capitaine réimaginé par Zárate passe son temps à exprimer des fantasmes homosexuels qui n’apportent strictement rien au récit et viennent ainsi alourdir la narration. De son questionnement visant à savoir si les rats du bateau apprécieraient laper « de leur langue râpeuse » sa semence perdue sur le parquet (p. 91) à sa description des vampires sautant sur leur proie en érection (p. 165), José Luis Zárate récupère la figure du vampire – en tant qu’être érotique popularisé dans les années 1930 – pour en faire l’objet de ses propres fantasmes. Et c’est là que le bât blesse, car rien dans l’histoire ne semble alors naturel. Le récit de Bram Stoker ne donnait pas le moindre indice quant à l’orientation du capitaine du Déméter et, si l’on pourra admettre une interprétation libre de l’auteur sur ce plan, on acceptera plus difficilement ses tentatives visant à érotiser des pans de son histoire sans que cela soit toujours justifié. En résulte donc un récit lourd qui s’égard trop souvent dans des digressions sexuelles gratuites.

Dans cette logique de lourdeur, on pourra encore être rebuté par le style de l’auteur qui, principalement dans sa première partie, enchaînera les figures de style jusqu’à parfois également alourdir le récit. L’ouvrage n’en est pas moins très bien écrit mais possède alors certaines longueurs.

La glace et le sel adopte donc un axe narratif terriblement intéressant pour le transformer en prétexte à toutes sortes de fantasmes gratuits qui déconcerteront le lecteur, peu préparé à la chose. En résulte un roman qui se lit relativement rapidement et possède tout de même plusieurs thématiques intéressantes mais emprunte des détours qui alourdissent considérablement le récit. Si certains pourront y voir des thématiques philosophiques intéressantes, d’autres pourront facilement être rebutés par les choix littéraires exposés plus haut. Un livre inégal donc, susceptible de diviser.