La Femme : C’est selon son humour

Le groupe français qui a presque plus d’étiquettes musicales que de membres s’est produit ce 18 novembre dernier au Botanique, dans une Orangerie pleine à craquer. A la clé, une cure de jouvence d’une bonne heure toute en intensité, en humour et en folie aussi.

Pop, surf, surf-pop, new wave, electro, neo-yéyé, etc. : rien de tout cela n’est faux, sans pour autant être totalement vrai en même temps. Voilà la preuve d’une fusion originale parfaitement exécutée par ce groupe qui vient finalement autant de Paris que de Biarritz. Aïe, en mettant côte à côte « Paris », « nouveau chouchou des Inrocks » et « meilleur ambassadeur de la nouvelle scène rock hexagonale », on aurait des raisons légitimes de se méfier d’une nouvelle pseudo-scène tendance qui se serait terminée avant même d’avoir réellement commencé.

Mais avec son mélange, plus qu’improbable sur le papier, entre un post-punk motorique, synthétique, froid, et une guitare dont la réverb nous envoie instantanément dans l’ouest américain accompagné des Beach Boys et de Tarantino, La Femme est en réalité une vraie merveille.

Il est 21h, Sphynx ouvre le bal. Le premier extrait de Mystère (2016) place nettement le Kraut rock et les claviers au-dessus de tout. Ils sont d’ailleurs pas moins de quatre, postés en ligne sur l’avant-scène. Sur un titre baptisé Sphynx, on regrette juste un peu que les influences égyptiennes ne se concrétisent pas sous une forme musicale, aussi diffuse soit-elle, à l’instar du sublime Pyramid Song de Radiohead. Le thérémin apporte ici sa touche psyché, et est loin d’être un simple gadget vu le degré de maîtrise de Sacha Got, qui gère aussi la guitare par ailleurs. Malheureusement, la voix de Clémence Quélennec est un peu trop submergée par les nombreuses couches instrumentales et les paroles sont à peine perceptibles.

S’ensuit un Packshot bien nerveux, toujours terriblement efficace en live. Le groupe sur scène est presque aussi barré que dans ses clips. A part un masque de catcheur mexicain sur la tête de Nunez Ritter au début, pas de costume cette fois, ni de mise en scène loufoque comme lors des Victoires de la musique 2014. Mais le groupe multiplie les interactions avec le public, à grand renfort de vannes graveleuses et potaches. Mais pouvait-on s’attendre à autre chose d’un groupe qui a écrit un morceau intitulé Mycose ? En l’occurrence très bien servi par le solo de guitare et la présence charismatique de Clémence.

Alors qu’ils annoncent collectivement un peu de hard rock, pour rigoler d’une erreur de setlist qui a eu lieu la veille, c’est le spleen mélancolique de Septembre qui démarre, évoquant les intenses émotions de la rentrée sur un ton adolescent et régressif, faisant musicalement écho au minimalisme du Velvet Underground.

Le groupe continue à développer Mystère avec Où Va Le Monde, sur lequel le claviériste Marlon Magnée et le guitariste Sacha Got chantent les voix principales. Un côté surf plus prononcé, mais des paroles un peu désabusées récitées sur un ton monotone leur permettent de s’inscrire dans le sillage de Septembre, tout en étant définitivement plus envoûtant. L’ambiance est au top et Marlon s’autorise même un petit crowdsurfing toujours plaisant à voir.

Bien que pas du tout hard rock techniquement, c’est le court et uptempo Tatiana qui arrive réellement pour faire bouger les têtes. En somme un bel échauffement pour leur emblématique Sur La Planche, introduit par un solo de thérémin. Le morceau phare de Psycho Tropical Berlin (2013) est la quintessence du son du groupe : l’influence de la rythmique post-punk est ici immense (pensez Joy Division, premiers The Cure, etc), avec une réverb au max pour la guitare et une pulsation motorique à la Kraftwerk par-dessus. Magique.

Autre morceau important du premier album, Nous Etions Deux commence avec des sonorités d’orgues à l’aspect solennel et presque religieux mais très vite les textes évoquent une rupture sur fond d’adultère avec la meilleure amie. Marlon est cette fois la seule voix principale dans le style qu’on lui connaît maintenant.

On revient à Mystère avec Exorciseur, chanté par Sacha et rappé même par Clémence, qui contient un pont très sympa et un empilement de couches impressionnant. Et puis, SSD, qui entraîne un véritable jeu de rôle entre Sacha, le fêtard qui ère jusqu’au petit matin, et Clémence, « pute » de la rue Saint-Denis pour l’occasion. Pas de guitare, beat uptempo dansant et polyphonie de claviers.

Les remerciements fusent alors, on est face à une bande de jeunes potes sympas qui prennent leur pied à défaut de prendre la grosse tête (quelques minutes plus tard, ils assureront eux-mêmes le merchandising, respect !). Leur morceau le plus Kraut rock, frôlant déjà les 7 minutes en version studio, It’s Time To Wake Up (2023), vient marquer la fin du set sur les coups de 22h.

Pour le rappel, Antitaxi ramène à lui thérémin, guitare surf, et conseille inlassablement à tout le monde de prendre le bus, pour éviter de « se faire déchirer l’anus » ont-ils le bon goût d’ajouter. A en juger son énergie et son intérêt pour la chose, La Femme avait définitivement les hormones à fleur de peau ce soir.