Joey Alexander : Génie des temps modernes?

Peut-être avez-vous déjà entendu parler ou vu une vidéo de ce jeune pianiste jazz qui fait sensation sur le web. Je vous l’annonce directement: Joey Alexander est un être à part, un vrai génie.

Afin de mieux comprendre de quoi je vais vous parler, voici une première vidéo dans laquelle Joey interprète Round Midnight de Thelonius Monk :

Joey est né sur l’île de Bali, dans la ville de Denpasar en 2003. Il commence le piano dès l’âge de 6 ans et s’attache directement à reproduire et interpréter des standards de jazz qu’il trouve dans la collection de son père. Le premier standard qu’il maîtrise est le morceau Well, You Needn’t de Thelonius Monk. Ces standards, il s’amuse à les jouer à l’oreille. Son père assiste à la naissance dela passionde son fils pour le jazz et décide d’éduquer son oreille etde l’emmener à des jam sessions.

L’histoire du jazz est constituée en grande partie de musiciens autodidactes. Pourquoi ? Premièrement, parce qu’à l’époque, les classes de jazz dans les Conservatoires n’existaient pas et deuxièmement parce que tous n’avaient pas la chance de recevoir une éducation musicale classique. Le mythique batteur Buddy Rich est un bon exemple: autodidacte, il a commencé la batterie dès l’âge de 5 ans, en frappant en rythme tout ce qu’il avait sous la main.

Joey est trop jeune et n’a pas reçu une formation jazz à proprement parler. En cela, il s’inscrit dignement dans la lignée de ces grands musiciens autodidactes. Il développe sa technique et son propre style en reproduisant ce qu’il écoute.

La base du jazz c’est ça : l’imitation d’abord puis l’interprétation et enfin la création.

Le jazz est une musique qui a connu énormément de véritables génies. Ce sont tous des monstres légendaires aux aventures incroyable et parfois connaissant des fins tragiques. Joey, musicien précoce et presqu’autodidacte semble emprunter le même chemin que ces grandes légendes.

Le jeune pianiste a rapidement progressé sur la scène jazz indonésienne. A 8 ans, Joey est invité par l’UNESCO à jouer en solo devant le grand Herbie Hancock, alors en visite en Indonésie. C’est le début de sa carrière, qui va l’amener à jouer dans de nombreux festivals (Newport Jazz Festival, Jazz at Lincoln Center, etc.). Face à 200 autres musiciens de jazz provenant de 17 pays différents, Joey s’impose lors d’un concours international d’improvisation à Odessa, en Ukraine.

Il enregistre en 2015 son premier album qui sort en mai dernier sur le label Motema Music aux Etats-Unis. Cet album, My Favorite Things (reprenant le titre du grand morceau de John Coltrane) était très attendu et n’a déçu personne. Joey reprend quelques grands standards de jazz et les interprète à sa manière. L’album est un véritable bijou d’improvisation. Le pianiste est accompagné par le bassiste Russel Hall, le batteur Sammy Miller et le trompettiste Alphonso Horne, jeunes musiciens talentueux de la scène jazz new yorkaise.

Le jour de sa sortie, l’album a d’ailleurs été pendant un temps numéro un des ventes sur itunes, c’est-à-dire, avant Kind of Blue de Miles Davis, qui reste l’album le plus vendu de jazz. L’album de Joey est même passé devant celui de Lady Gaga et Tony Bennett.

Non seulement, Joey est talentueux, mais il a ce goût pour l’improvisation, cette humilité caractéristique du GRAND musicien, cette force tranquille et surtout, cette passion sur laquelle on ne peut pas se tromper.

Dans un premier temps, on ne peut être que surpris devant ce petit bout d’homme dont les jambes atteignent tout juste les pédales de son piano…Puis arrive l’émerveillement. Joey produit une musique d’une qualité digne des plus grands et joue avec une apparente facilité qui en découragerait plus d’un.

Cet enfant est un génie. Pourquoi ? Parce qu’il sait jouer avec d’autres musiciens, improviser et composer…

Je vous conseille vivement d’écouter cette interprétation de Giant Steps de John Coltrane. Je rappelle que ce morceau est un parfait exemple de l’évolution du jazz selon Coltrane. Dans ce standard, Coltrane décide d’exploiter et de pousser l’harmonie au maximum. Giant Steps est aussi légendaire que son compositeur, un monument d’histoire du jazz, et surtout, un morceau très compliqué.

Et voilà ce que Joey en fait : c’est savant, beau et soigné. L’introduction qu’il nous concocte, juste avant l’entrée du batteur et du bassiste, avec ses sonorités impressionnistes, est tout simplement magnifique. Le pianiste ne se presse pas, ferme les yeux et se laisse aller. Et puis, le morceau décolle dans un swing rapide. Jamais Joey ne semble se laisser dépasser. Il maîtrise tout. Ses deux comparses dans la vidéo ont peut-être deux ou trois fois son âge mais ils ont l’air de s’éclater et jouent comme des fous.

Joey Alexander est un futur très grand pianiste, ça, je vous le promets. Ce qui transparait lorsqu’on le voit jouer, c’est que le jazz, c’est SON choix, pas celui de sa famille, son père ni d’un professeur frustré qui fait un transfert sur lui. Il s’amuse et vit de sa passion.

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