Interview de l’équipe du Magic Land Théâtre

Interview des acteurs du Magic Land Théâtre juste avant les présentations de l’Oracle de Delphes. L’interview est à l’image de ce lieu insolite, on passe de la déconnade aux propos intéressants de manière totalement naturelle. C’est parti !

Thomas Linckx : Ca va être diffusé ?

Non, je préfère enregistrer pour faciliter la transcription, une fois devant l’écran.

T.L. : Y a un truc entre vous ?

Oui, on est ensemble.

Philippe Drecq : Ils écrivent ensemble, ils sont ensemble, …

On n’est pas que deux ! On est une trentaine de personnes …

T.L. : Ben tiens ! C’est courageux ! Grande famille, grande famille … (rires pervers)

On commence avec les questions !

T.L. : Et on suit avec les réponses ?

Que faites-vous en dehors du Magic Land ?

Ph.D. : Moi je déménage.

Stéphane Stubbé: Je fais un seul en scène, à deux, au mois de février au Théâtre des Riches Claires, dans une pièce de Jean-Louis Leclercq, mis en scène par Bernard Yerlès. [Et alors quoi quoi maintenant du 29 janvier au 15 février 2014 aux Riches Claires]

Christelle Delbrouck : Moi, j’emménage mon sous-sol donc, si des gens ont des meubles sympas qu’ils n’utilisent plus.

David Notebaert : Moi je suis [au Festival de la Marionnette] à Charle-villes-Mezieres, pour ceux que cela intéresse [du 20 au 29 septembre] avec un petit entre-sort.

Xavier Doyen : Je fais très bien les mojitos mais je ne mets pas de menthe.

Cela fait plusieurs années que le Magic Land existe, il y a eu plusieurs générations. Comment définiriez-vous actuellement le Magic Land ?

Ph.D. : C’est une bonne question !

T.L. : Tiens, c’est drôle que tu parles de plusieurs générations parce que, juste-ment cette saison, il y a un retour sur le passé. Une espèce de coup d’œil dans le rétroviseur, qui, à la lumière du passé, va peut-être nous permettre de mieux comprendre le présent.

Tous : Il est fort, très fort. On dirait qu’il a fait du journalisme.

T.L. : Donc des vieux, des anciens, des …

Juan Marquez Garcia : Des dinosaures du Magic Land …

C.D. : Donc, le Magic Land est un théâtre qui écoute ses spectateurs. On nous a demandé plusieurs fois de reprendre des vieux spectacles et Patrick Chaboud a dit « Si le spectateur veut, je fais ! ». Ce qui donne une reprise du Magic Land règle ses contes et du Mystère du Château d’Hoogvorst, pour le plus grand plaisir des petits et des grands.

J.M.G. : Ça mélange l’ancienne et la nouvelle génération, comme ça.

Ça nous fait justement penser à une autre question : quelle est la logique dans le choix des pièces de la saison ?

Ph.D. : C’est une question qu’on se pose …

T.L. : Il y a avait une logique de reprise de spectacles sur une ou deux saisons après, mais pas dix ou quinze ans plus tard.

J.M.G. : C’est la première fois que l’on puise dans notre vieux répertoire.

X.D. : Ce qu’il faut comprendre dans ce qu’ils ont dit, c’est que pour la première fois, le Magic Land considère qu’il a un répertoire et reprend des anciens spectacles alors qu’avant, on créait un spectacle et le reprenait une ou deux fois. A la fin de cette/ces saisons, on pensait que le public potentiel avait été atteint et on passait à autre chose.

Tout le monde ne jouait pas dans les premières représentations. Qu’est-ce que cela fait de découvrir une nouvelle pièce et, pour les nouveaux, qu’avez-vous ressenti de rejouer une pièce qui a déjà été un succès au Magic Land avec d’autres ?

Tous : On pourra seulement te répondre dans quelques mois.

X.D. : Moi, par exemple, je ne suis pas impliqué dans Le Mystère du Château d’Hoogvorst mais c’est le premier spectacle que j’ai vu du MLT alors que j’avais 20 ans. J’y suis allé en tant que spectateur pour voir un camarade de bistrot. J’ai été bluffé, j’ai adoré et je n’ai jamais retrouvé cette ambiance si particulière. Peut-être est-ce le syndrome de la première fois. Car, quand tu viens pour la première fois, tu découvres tous les codes du MLT, avec, notamment, cet accueil si particulier, propre au Magic Land. Je suis très curieux de revoir cette pièce, car Le Mystère du Château d’Hoogvorst m’a laissé un très très bon souvenir.

Dans le même état d’esprit : comment les acteurs sont-ils choisis pour les différentes pièces, vu que vous n’êtes pas, tous, dans toutes les pièces ? Impératifs du texte ? Impératifs de vos plannings respectifs ? N’est-ce pas trop décevant de ne pas être choisi pour la nouvelle création ?

C.D. : C’est bien que cela tourne aussi de temps en temps.

Daniel Cap et Ph.D. : Place aux jeunes !

C.D. : Non, mais si on regarde, on est à peu près une vingtaine de comédiens et c’est bien de tourner aussi un peu, pour que les gens ne se disent pas « Oh ! C’est toujours les mêmes tronches ». Et puis, ici, il y a des nouvelles têtes, des nouvelles vieilles têtes, des vieilles nouvelles têtes qu’on n’a plus vues depuis longtemps. Et c’est bien de commencer par L’Oracle de Delphes, ça permet de mettre directement une bonne ambiance. Et puis les hommes en jupettes …

Ph.D. : Ca dépend des envies sexuelles de Patrick Chaboud

X.D. : Parfois, il réunit une troupe de comédiens et écrit le spectacle, fatalement, en fonction des comédiens. C’est un autre cas de figure quand le spectacle est déjà écrit, et qu’il faut remplacer des comédiens.

Pour une création comment fait-il ?

J.M.G. : Il a une idée, une envie de base, une période historique, par exemple la Révolution, puis il réunit des gens, et écrit le canevas.

C.D. : Ça dépend d’un projet à l’autre ; il n’y a pas de règles.

Ph.D. : C’est une alchimie créative très complexe !

Pour revenir sur l’Oracle de Delphes, avez-vous déjà réécrit quelques parties ou changé la fin ?

J.M.G. : Il y a aura d’autres actions, d’autres répliques, des coupures, etc. On a coupé des moments, mais on en a ajouté des autres, car, quand Patrick Chaboud arrive dans la salle et dit « Ouais, on pourrait faire ça … », on ajoute et on modifie.

T.L. : C’est un peu l’Oracle… 2.

J.M.G. : Ou version 2.2 !

Ça tombe bien, car la question originale était plutôt tournée de cette façon « Est-ce que vous avez fait une mise à jour ? .

Ph.D. : Les spectacles repris sont, en apparence, identiques, mais comme il s’est passé du temps, il y a des choses qui s’élaguent d’elles-mêmes. Quelque chose d’assez mystérieux intervient, à savoir une autre compréhension du texte avec le temps qui passe, une compréhension plus intégrée, plus globale. Et donc, ça donne une autre saveur. C’est plus relax, car on n’est plus dans les premières représentations. Les jeux de mots et les enchaînements tombent mieux, comme si les comédiens avaient tous intégré les thèmes, l’intrigue et les péripéties. C’est donc, souvent, plus fluide.

Le temps de maturation est-il si long ?

D.N. : C’est que, d’habitude, on joue 25 représentations et c’est vrai que, 25 fois, ce n’est pas suffisant pour totalement maîtriser son personnage et le réinventer. Quand on reprend, il y a eu comme un temps de pause qui a permis de prendre du recul : ainsi revenir dans le personnage te donne des détails, des innovations sur ta manière de jouer.

Donc, au MLT, il y a deux manières de travailler : un peu dans le rush lorsque vous êtes en train d’écrire la pièce ou lorsque vous dites, bon, on a une date limite, on connaît la date mais le texte est complètement à écrire et à nous de trouver nos marques. Et la deuxième, un nouveau travail sur des compositions déjà éprouvées, mais que l’inspiration de toute la troupe souhaite parfaire.

D.N. : Non, c’est plutôt, on pose une date et maintenant STOP, on s’arrête là et on ne change plus rien.

X.D. : Elle a un peu raison quand même. Quand on est en création, il y a certaines dates butoirs et donc il y a une urgence, une date qui s’approche qui fait que l’on est plus stressés.

D.N. : Ce qui fait que, dans la reprise, on est plus à l’aise. On peut alors, plus facilement, éliminer des passages, etc.

S.S. : Je ne suis pas d’accord. Il y a un point à une phrase et j’aime dire les mots tels qu’ils ont été écrits. Point.

Christelle Delbrouck, en fin de saison, vous allez jouer « Continue tout droit » avec Patrick Spadrille, peux-tu nous en dire un peu plus sur cette pièce ? Quelle est la différence pour toi de jouer en duo ou avec cette atmosphère de troupe ?

C.D. : Ça c’est une excellente question. D’abord, Continue tout droit, ça vient d’un concept d’impro de Patrick et moi, qui s’appelle Vacances improvisées. On a fini par en faire une seule improvisation d’1h20 et on s’est dit que l’on avait développé quelque chose et que si l’on écrit et que l’on approfondit deux trois trucs de créer quelque chose. On l’a écrit en 5 jours

Tous : 5 jours ! 5 jours ! 5 jours !

T.L. : Patrick Chaboud le fait parfois en 48h !

X.D. : 3 spectacles ! (rires)

Ne piratez pas l’interview !

C.D. : En fait, Patrick (Spadrille) est un vieux camarade de jeu, je crois que c’est le type avec qui je travaille depuis le plus longtemps …

X.D. : Tu aimes les Patrick !

C.D. : Oui, je travaille beaucoup avec des Patrick. Patriiiiiick ! Donc, c’est un road-movie théâtral, c’est-à-dire que l’on est dans une voiture. On essaye de voir ce qui se passe quand des personnes vivent ensemble pendant très longtemps et se retrouvent dans un huis-clos d’où on ne peut sortir et d’une voiture, c’est dangereux !

Du coup, les tensions ressenties restent étouffées, et l’on voulait voir ce que cela pouvait donner. Vu que le MLT est une salle dans laquelle je me sens relativement bien, tout comme Patrick Spadrille, on se voyait bien le jouer ici.

Pour la sous-question, c’est drôle car Patrick Chaboud est complètement bordélique, très mai 68, avec lequel on part à droite, à gauche ; tandis que Patrick Spadrille est quelqu’un de très carré ; donc c’est intéressant de changer un peu. Et le fait de jouer à deux, ben on joue plus. Jouer à plusieurs, voire « tout plein », cela fait cour de récré. Mais, avec Patrick Spadrille aussi. Donc, finalement, il n’y a pas vraiment de différence. En fait, il y a surtout une grosse différence entre jouer tout seul et jouer avec quelqu’un ou plusieurs. C’est plus agréable pour la redécouverte des choses, d’avoir quelqu’un qui répond à son jeu.

Revenons à la nouvelle création : La Surprise du Chef. Pouvons-nous avoir déjà quelques infos ?

X.D. : Il faut que cela reste une surprise. Le contexte de l’intrigue sera vraisemblablement plus contemporain que d’habitude. Mais pour le moment, ça existe surtout dans la tête du chef.

Tous : D’où le nom : c’est une surprise.

S.S. : En fait c’est un concept, c’est un peu comme les grands cuisiniers : tu arrives, tu t’installes à la table et l’on te dis : « Voilà c’est une surprise, je vais vous faire un truc magnifique, extraordinaire, avec des ingrédients tout frais. »

En fait, on en sait encore moins que pour Nuit torride à l’hospice ?

Tous : Nous aussi !

T.L. : Attendez, je crois qu’il demande : quels comédiens seront dans le spectacle ?

Ton métier d’ancien journaliste revient subitement ? Et bien répond !

Tous : En fait on n’en sait rien non plus, c’est une surprise pour le public et pour nous.

Comment fonctionne le côté collaboratif au niveau de l’écriture ?

S.S. : Il faut arrêter de parler de collaboration. Il faut plutôt parler de participation, de collectivité, de réactivité, de convivialité, de disponibilité, de synergie, de générosité, etc.

C’est-à-dire que que l’on a parfois pas tous les mots dans la phrase ou pas de le bon ordre et c’est à nous de combler les vides.

Ph.D. : J’écris à la base avec Patrick, mais, entre ce que l’on a écrit et ce qu’il y a sur scène, il y a toujours des différences, parfois énormes. C’est toujours le « problème » entre l’écriture et l’adaptation.

Ce passage demande à ceux qui écrivent, de lâcher quelque chose pour que tout soit remodifié, remodelé en fonction de l’adaptation sur le plateau. Peut-être ici même, plus qu’ailleurs. Patrick appelle ça des scénarios martyrs, c’est-à-dire que les choses qui sont écrites sont destinées à être jetées très vite, c’est des bases, et en fonction de ces bases, les choses se font après sur le plateau, avec les interactions de tout le monde, l’air du temps, les gags qui viennent, etc. et ça se modifie comme ça. Donc, le schéma de base, plus ou moins écrit, est amené à tomber ; très souvent il en reste un petit peu plus ou un petit peu moins, c’est variable.

C.D. : Donc, on a besoin de quelqu’un qui reste derrière l’ordinateur et qui essaye de suivre toutes les phrases que l’on dit à la seconde (c’est Sophie qui est là, avec nous). En tout cas, elle est vraiment très précieuse dans un travail comme celui-ci, car, justement, on a des textes martyrs, on prend des trucs, puis, Patrick vient avec des « Oh non, on fait ça, on pourrait dire ça ou plutôt ça ». Et si il n’y a personne qui suit, ça va tellement vite que, parfois, on peut zapper des trucs.

On en vient aux questions un peu plus débiles :

Qui est le plus blagueur en coulisses ?

Tous : Bruce ! (Ellison, ndlr)

Bruce Ellison : C’est pas vrai !

Qui est toujours le plus stressé ?

Tous : Stéphane ! (Stubbé, ndlr)

Celui qui improvise le plus ?

T.L. : Stéphane ! (rires)

Tous : Non, Daniel, oui Daniel ! (Cap, ndlr)

Celui qui est le plus drôle :

S.S. : C’est une question qui n’a aucune raison d’être ici ! C’est comme demander à des musiciens dans un orchestre qui est le plus musicien.

X.D. : Disons que c’est le public qui décide.

Celui qui coûte le plus cher en budget boissons ?

J.M.G. : Non mais on veut rester ami jusqu’à la fin ! (rires

X.D. : A ce sujet il est important que tu précises dans ton article que le bar fermera cette année à 01h. donc plus personne ne coûtera rien et on en parle plus ! Si tu continues, on va se fâcher. (rires)

Dernière question, la question un peu mégalo : le public est toujours au rendez-vous, le talent est bien présent, etc. Quelles sont encore vos ambitions pour le Magic Land Théâtre, qu’est-ce qui vous ferez rêver pour le MLT ?

D.N. : Devenir Roi de Belgique !

D.C. : Être pensionné !

J.M.G. : Être augmenté !

Ph.D. : Sinon, oui, avoir plus de budgets …

S.S. : Un spectacle en apesanteur !

D.N. : Ou un spectacle qui se délocalise parfois de ces jolis murs emplis de pisse …

Sophie D’Hondt : Avoir un grand masseur noir !

T.L. : Mais c’est vrai ce que dit David un peu sur le ton de la blague, on est fort ancré dans les murs avec les spectacles et on a rarement eu l’occasion d’aller les exporter. Pourtant, ce sont chaque fois des super expériences. Mais ce n’est pas facile, parce que on est chargé, il y a beaucoup de décors, etc.

J.M.G. : Et beaucoup de comédiens !

T.L. : Voilà, donc c’est pas facile de sortir de nos murs.

Tous : Et pourvu que ça dure !

Propos recueillis par Adeline Delabre et Loïc Smars

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine

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