In spite of wishing and wanting, bande de mecs

Mise en scène, chorégraphie, scénographie de Wim Vandekeybus, avec Rob Hayden, Eddie Oroyan, Yassin Mrabtifi, Guilhem Chatir, Grégoire Malandain, Luke Jessop, Luke Murphy, Flavio D’Andrea, Knut Vikström Precht, Cheng-An Wu, Baldo Ruiz
Au KVS – Koninklijke Vlaamse SchouwburgCrédit photo : Danny Willems

Une bande de mecs : dans In spite of wishng and wanting, le spectacle de Vandekeybus acclamé mondialement à sa création en 1999, ils sont une dizaine, à se débattre avec les envies rageuses et la folie qui guette, le trouble des cauchemars, le désir indocile. C’est lui, en fin de compte, sa violence, son énergie frémissante, sa vie irationnelle, qui mène la danse. Le spectacle commence par une ruée saisissante de danseurs-chevaux, nasaux au vent, corps cambrés, secouant la poussière de leurs coups de sabots, dont on ne sait pas très bien s’ils sont prêts à se soumettre ou à mordre. La suite explorera les débordements de cette pulsion primordiale, intranquille, insaisissable et multiforme : les danseurs de Vandekeybus ont faim de vie, dans toutes ses dimensions, sans se soucier des frontières qui séparent l’homme de l’animal, la veille des fantasmes, la terre de la mer ou du ciel. Ils sont tour à tour petits poissons et vastes oiseaux, corps somptueux de statues antiques et petits farfadets ricanants, êtrs primitifs et rêveurs au repos.

Si l’énergie qui domine est plutôt brute, la violence intense qui met le groupe en mouvement est une force positive : c’est un souffle qui anime la troupe, lui donne son existence, la fait jouer et se tenir. Car In spite of wishing and wanting n’est ni sordide, ni sombre : la danse de Vandekeybus est très physique, très directe, marquée par une urgence à agir, à se confronter aux autres et au monde, à vivre ici-bas la vie toute entière, vie bien plus organique et fantastique que cérébrale, tissée de matière et de rêves. Le monde qui se déploie ici n’exclut pas la sensualité, renforcée par la musique entêtante de David Byrne, l’ancien leader de Talking Heards : il y a de l’érotisme et du plaisir dans les gestes et les jeux entre danseurs, qui n’en finissent pas de se lier et de se délier, de s’étreindre et de s’affronter. Le chaos est maître, le propos un peu – trop – décousu (l’interruption à deux reprises par un court-métrage étrange n’est pas très bienvenue), mais la chorégraphie est absolument minutieuse et maîtrisée. De la pluie de plume sous laquelle s’ébattent les danseurs aux lampes qu’ils font virevolter dans l’obscurité comme de petits feu follets tourbillonnants, In spite of wishing and wanting est avant tout une expérience visuelle, d’une grande virtuosité esthétique et formelle.

La – grande – beauté vient, ici, de la horde, qui nous entraîne dans le mouvement d’un groupe plutôt homogène, aux entités assez indistinctes. C’est le petit regret qu’on peut avoir : centré sur la force du collectif, le spectacle laisse peu de place et de temps pour l’exploration des relations individuelles et de leur complexité, de la fragilité des émotions, des doutes et des tensions intimes. In spite of wishing and wanting, animal fonceur et séduisant, ne s’embarrasse pas de fioritures et ne fait pas de manières. Un peu comme une bande de mecs.

A propos Emilie Garcia Guillen 113 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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