I, Tonya vous glisse au coeur de l’affaire Kerrigan-Harding

I, Tonya

de Craig Gillespie

Biographie, Drame

Avec Margot Robbie, Sebastian Stan, Allison Janney

Sorti le 21 février 2018

Dans son dernier film, Craig Gillespie s’évertue à dresser le portrait le plus sincère de la patineuse artistique Tonya Harding (Margot Robbie), bête noire des saintes familles américaines mais idole de la presse à scandale. Dès l’âge de quatre ans, Tonya gagne sa première compétition sous le regard inquisiteur de sa mère qui a une vision peu commune de ce que devrait être l’éducation. Que ce soit par des coups de brosse ou par des propos outranciers, LaVona Fay Golden (Allison Janney) passe son temps à démolir sa fille : elle patine mieux quand elle est en colère de toute façon.

Habitée par un feu intérieur, Tonya s’enferme dans son art et excelle de plus en plus dans le domaine. Pourtant, son talent n’est pas reconnu, son style rustre – ses manières, son langage, ses tenues – déplaît aux jurys habitués aux poupées chaussées de patins. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas tout à fait l’American Dream pour Tonya. Son succès dans un monde qui ne lui appartient pas la rend d’autant plus intrigante pour le peuple qui tantôt suit ses frasques avec admiration, tantôt avec dégoût. Comment une jeune fille qui n’a même pas de quoi se payer un costume décent peut-elle se faire un nom dans un milieu sportif qui ne juge pas tant la technique que l’apparence et ce, surtout aux États-Unis, terre sainte des Little Miss Sunshine ?

Mais l’incroyable histoire de Tonya ne se résume pas à la discrimination et à la violence dont elle a été victime. Non, l’incroyable histoire c’est aussi L’Incident. Celui dont Jeff Gilloly (Sebastian Stan) – l’homme avec qui elle partage sa vie et qui a lui aussi la main lourde soit dit en passant – sera rendu complice. L’Incident qui marquera à jamais l’histoire du patinage artistique, à savoir l’affaire Kerrigan-Harding

On peut dire que Gillespie a su saisir là une véritable opportunité. La vie de Tonya est en elle-même une histoire sensationnelle, un scénario d’enfer servi sur un plateau avec son lot de rebondissements. La plus grosse difficulté finalement restait l’adaptation : comment parler de la vie d’autrui et surtout comment en parler avec la plus grande véracité possible ? Avant toute chose, il faut de bons acteurs, capables d’adopter avec précision le caractère bien particulier des personnages. Et à ce sujet, on ne peut qu’admirer les performances de Margot Robbie (deux nominations) et d’Allison Janney (deux prix) qui s’adaptent tellement bien à leur rôle que même Tonya et LaVonna n’auraient pas fait mieux. Pour cela, il faut être précis dans le travail de documentation aussi. Et en se basant sur des archives de l’époque, Gillespie reproduit minutieusement chaque détail, décor, costume,…

Il reste un point à gérer : le rythme. La grande difficulté est de savoir condenser la vie d’une personne. Comme il est impossible de tout raconter en deux heures, que faut-il garder ? Force est de constater que I, Tonya tombe un peu dans le piège de trop vouloir en dire. Et si le caractère rapide du film correspond bien à l’aspect chaotique de la vie du personnage, le spectateur se sent parfois un peu noyé.

Mais la vérité est-elle seulement une question d’adaptation finalement ? Non, surtout dans une histoire si scandaleuse, la vérité dépend toujours de celui qui la prononce. Et Gillespie en a bien conscience. Au lieu de relater de manière plate les faits avérés, le réalisateur australien va glisser dans son biopic des reproductions d’interview comme pour comparer les différents points de vue. Et si I, Tonya penche plutôt en la faveur d’Harding, le film n’exclut pas pour autant la version des autres protagonistes. C’est finalement assez juste que de ne pas prétendre énoncer une vérité mais de plutôt chercher à être sincère.