Henri Lopes, le métis exilé devenu Premier Ministre

Couverture du livre "Il est déjà demain" d'Henri Lopes

auteur : Henri Lopes
édition : J.C. Lattès
sortie : septembre 2018
genre : autobiographie

Il est déjà demain est le récit autobiographique d’Henri Lopes, ancien Premier ministre du Congo-Brazzaville de 1973 à 1975. Né de l’autre côté du fleuve Congo, à Kinshasa, de parents métis, ce petit garçon « café au lait » a grandi à Brazzaville puis étudié en France où il fréquente la Sorbonne. C’est là qu’il découvre le concept de négritude et qu’il milite dans les mouvements de libération nationale d’influence marxiste. Pour lui :

La France nous a colonisés, mais c’est en France que nous nous sommes décolonisés.

C’est aussi à Paris qu’il rencontre sa femme Nirva, une jeune géographe guadeloupéenne qui le suit lors de son retour en Afrique au milieu des années 1960. De 1969 à 1980, il occupe diverses fonctions gouvernementales au Congo-Brazzaville : à l’éducation nationale, aux affaires étrangères, puis comme Premier ministre et enfin ministre des finances. Ces responsabilités lui sont d’ailleurs confiées sans qu’il soit vraiment consulté :

J’eus la surprise d’apprendre à la radio que j’étais membre du gouvernement, chargé des Finances. L’ambiance générale, pesante, ne se prêtait pas à désavouer les autorités en place.

À partir des années 1980, il quitte la politique nationale pour retourner à Paris, comme haut fonctionnaire à l’UNESCO puis comme Ambassadeur de la République du Congo en France. C’est ce parcours mouvementé aux premières loges de l’histoire politique que Lopes partage dans ces mémoires. Il est déjà demain contient en effet une mine d’information sur les premières années de l’indépendance des pays africains. L’auteur y relate par exemple les débats internes entre pays nouvellement indépendants sur le type de communisme à mettre en place, ou encore sur le type de relations à maintenir avec l’ancienne puissance coloniale. En République du Congo, Lopes a vécu plusieurs changements de régime, et notamment la révolution des « Trois Glorieuses » de 1963, dont il a fait un hymne national en 1970.

Écrivain amoureux des lettres, Lopes évoque aussi fréquemment les grands personnages politiques que les écrivains qu’il a côtoyés. Un monde très masculin où quelques femmes se distinguent malgré tout de temps à autres. Si Lopes le diplomate se montre prudent dans sa critique des grandes figures de son temps, c’est que, selon ses propres termes, il préfère la pudeur :

Certaines vérités détruisent et tuent. Inutilement.

Toutefois, au-delà du témoignage de l’écrivain et de l’homme d’État, les passages les plus intéressants et les plus touchants de ces mémoires sont, comme souvent, le récit des années de jeunesse. Métis, Lopes a sa vie durant dû justifier de ses origines et de la couleur de sa peau. Pas assez noir aux yeux de certains, trop blanc pour d’autres… Dans Il est déjà demain, il nous rappelle que beaucoup d’enfants métis, abandonnés par leur père blanc, ont été placés de force dans des orphelinats plutôt que d’être élevés par leur mère noire. Un destin singulier qui créé une certaine solidarité entre métis :

Le métis est un être ballotté entre plusieurs familles, qui appartient à trois tribus : celle de sa mère, celle de son père, celle des métis.

Toute sa vie, Henri Lopes a voyagé et rencontré des personnes d’origines différentes dont il est devenu très proche. Ce sont ces échanges qui ont fait de lui quelqu’un de si adaptable et qui lui ont permis d’avoir une carrière internationale si prestigieuse. Ses mémoires, en plus d’être très informatives pour le lecteur, sont aussi et peut-être avant tout une célébration des bienfaits du métissage et de la diversité.

A propos Soraya Belghazi 378 Articles
Journaliste