Le Goût des Myrtilles de Thomas De Thier

le gout des myrtilles affiche

Le Goût des Myrtilles

de Thomas De Thier

Drame

Avec Michel Piccoli, Natasha Parry, Augustin Legrand

Sorti le 15 octobre 2014

Jeanne et Michel vont passer en forêt la journée du 3 août, date qui a pour ce couple âgé une signification particulière. Mais au-delà de la balade, c’est le dernier voyage de ces deux octogénaires amoureux qu’a voulu filmer Thomas de Thier, dans une évocation teintée de symbolisme, de poésie et de merveilleux.

Ça, ce sont probablement les intentions du réalisateur : en effet, pour ce qui est de la recherche du merveilleux et de la poésie, il est difficile de passer à côté. Le premier problème, c’est que le film de Thomas de Thier n’est nullement teinté de symbolisme et de poésie : il en est comme tartiné à la louche. Les effets sont donc martelés jusqu’à l’écœurement pour nous faire comprendre que nous sommes dans une triple évocation :

– L’évocation du temps qui passe et de la vieillesse : on a donc droit à maintes reprises à des gros plans de fruits en train de pourrir, éventuellement grignotés par des insectes ; on a aussi les inévitables pages de livres anciens tournées délicatement par le vent. Et plein d’autres trouvailles dans le même genre. Répétées, répétées, répétées. Mais sur un tempo très, très lent. Conclusion : le temps, même à la fin, ça dure longtemps, longtemps, longtemps. On baille.

– L’évocation de la nature, magnifique-et-effrayante : dans ce registre, on se coltine les gros plans de brins d’herbe, de fleurs et d’insectes découpés au-devant d’arrière-plans flous ; l’émerveillement enfantin du chasseur de papillon ; les looooongs plans sur le ciel ; etc, etc. Devant tant d’affectation et de mièvrerie, où on ne perçoit jamais la singularité d’un regard authentique, la seule envie qui nous vient est de cracher sur les forêts, de vomir la nature et de rentrer prendre un bain de pollution quelque part dans une ville. Si possible chaotique, bruyante et énergique. Et sans arbres.

– LA métaphore. Je dis bien LA métaphore, parce qu’on ne saurait vraiment la définir plus précisément. En tout cas, tout dans le Goût des myrtilles semble bel et bien crier « je suis une métaphore ! ». Les papillons sont une métaphore, le voyage en forêt est une métaphore (celle-là, je crois avoir l’avoir comprise : il doit s’agir d’une métaphore de la mort), le gamin qui surgit tout d’un coup est probablement une métaphore, les gens que croisent les deux vieux et qui n’ont rien à faire dans le décor sont encore une métaphore, et tout indique que les myrtilles en sont une aussi, il n’y a pas de raison. Parce qu’on vous l’a dit et redit : c’est un film po-é-ti-que.

Voilà bien le malheur : une ambition poétique, ça donne, dans le pire des cas – et nous n’en sommes pas loin –, un mélange ennuyeux, indigeste et faussement léger d’infinie naïveté et d’infinie prétention, un film qui ne sonne jamais juste et qui sent l’exercice d’étudiant en cinéma du début à la fin. Si le réalisateur a le malheur de rétorquer que si son film semble totalement artificiel, c’est justement parce qu’il est poétique/métaphorique/surréaliste/onirique, je lui fais manger de force ses myrtilles et ses papillons. Et pour me réconcilier avec les films sur la vieillesse et l’approche de la mort, je m’en irai revoir les – magnifiques – Fraises sauvages de Bergman : autre fruit, autre goût. Celui, cette fois, de la beauté, de la profondeur et de l’intelligence lucide et cruelle dont le grand Ingmar a le secret.

Fuyez les myrtilles, jetez-vous sur les fraises !

A propos Emilie Garcia Guillen 113 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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