#GIRLBOSS de Sophia Amoruso

Girlboss

auteur : Sophia Amoruso
édition : Globe
sortie : octobre 2015
genre : autobiographie

#GIRLBOSS ou comment une anarchiste en décrochage scolaire vivant à la petite semaine s’est révélée une surdouée de l’entrepreneuriat et a fondé une entreprise de e-commerce employant 350 personnes et pesant plusieurs millions de dollars.

Ça ressemble à un conte de fée moderne au pays du capitalisme, où les princesses se sauvent seules et où les marraines les bonnes fées portent le nom d’investisseur. C’est une histoire de self-made-woman à l’américaine, avec la fille pauvre, sans diplôme et sans travail qui devient grande patronne en haut de l’échelle à la seule force du poignet. C’est la vie de Sophia Amoruso qui a vingt ans,  n’a pas de perspectives d’avenir et une accumulation de petits boulots et menus larcins quand elle commence à vendre sur internet quelques fringues vintage chinées çà et là. La belle a le sens du commerce, l’affaire prospère et en moins de dix ans, sa page personnelle est devenue  un empire de la mode sur le web, dénommé Nasty Gal où l’on retrouve marques pointues et vêtements vintage.

Devenue icône d’une nouvelle génération de femmes, elle crée la fondation Girlboss qui aide les femmes entrepreneurs actives dans les domaines du design, de la mode, de la musique et des arts, en leur offrant un soutien financier et publicitaire. Ça, c’est la biographie officielle, écrite dans un livre où elle raconte son parcours, ses galères, ses échecs, ses succès, ses expériences et distille ses conseils à l’égard de « toutes celles qui veulent prendre leur vie en main ».

Avant de discourir sur le livre en lui-même, prenons quelques instants pour étudier le concept de #GIRLBOSS. Parce que #GIRLBOSS n’est pas juste le titre d’une autobiographie que nous aurions pu renommer « Les aventures de Cendrillon au pays des merveilles de la technologie et du capitalisme ».  #GIRLBOSS est un concept récurrent, qui reviendra tout au long du récit et qui désigne à la fois une personne et un état d’esprit, essentiel aux yeux de l’auteur. Pour résumer, une Girlboss est une femme forte, indépendante, active, moderne, menant des projets, ambitieuse, travaillant sans compter, hyper-connectée aux nouvelles technologies, passionnée par son travail, maitrisant tout de A à Z, tout en étant féminine, soignée, élégante et cool. Une dirigeante de Silicon Valley qui damne le pion à ses concurrents sans abîmer sa manucure. L’état d’esprit Girlboss est donc cet esprit d’entreprise, impliquant d’être un accroc du boulot hargneux aux manières impeccables. Autant  prévenir tout de suite, si ce genre de mentalité ou de personne énerve le lecteur, il sera vite agacé.

Mention spéciale aux portraits de Girlboss qui émaillent le livre et qui relèvent tous de la même idéologie. Ceci dit, #GIRLBOSS se lit vite et facilement. Le style est proche de l’oralité, sans fioritures excessives et les chapitres sont divisés en sous-chapitres relativement courts, évitant les longs blocs de lecture.

Chaque chapitre s’articule autour d’un concept (« l’argent a plus d’allure à la banque que sur vos pieds », « la créativité dans tous les domaines », etc) résumé en une illustration de style blog girly, que l’auteur développe à partir de sa propre expérience. C’est un choix, qui permet de naviguer facilement d’un sujet à l’autre mais l’ensemble manque d’un fil conducteur et perd en cohérence.  Si l’histoire racontée dans ce livre est effectivement inspirante et peut motiver des lecteurs, c’est aussi une histoire d’empowerment à l’américaine, occultant toute cause sociale et structurelle de la situation des personnes. Même état des lieux quant aux conseils glissés un peu partout. Certains peuvent se révéler utiles, d’autres tiennent du simple bon sens ou de la déclaration creuse.

Cependant, il faut reconnaître à l’auteur une honnêteté totale. Elle ne cache rien, aucune galère, aucune déviation et met à nu les périodes les plus sombres et les plus honteuses de sa vie, estimant que cela fait partie de l’expérience qui l’a formée et l’a menée là où elle est actuellement. Le tout donne l’impression d’entendre une connaissance quelconque vous raconter sa vie qui avait mal démarré et qui aujourd’hui est absolument géniale.

Au bilan, on obtient un livre ambigu, aussi agaçant que sympathique, pouvant provoquer autant de fascination que de répulsion. Répulsion pour le côté donneuse de leçon et la mentalité de requin imprégnée du mythe américain du self-made-man, que Sophia Amoruso dissimule sous un vernis d’atypique cool. Fascination pour le parcours d’une fille ordinaire qui a su se hisser jusqu’au sommet, permettant de se dire « si je suis motivée et que je travaille dur, moi aussi je peux y arriver ».

Se lisant vite et sans grande difficulté, #GIRLBOSS peut tout autant être lu comme de la propagande néo-libérale sous des airs de conte moderne que comme un récit de vie inspirant et un coup de pouce à des personnes démotivées.

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