Get Out, Peele où ça fait mal

Get Out
de Jordan Peele
Horreur, Thriller
Avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Bradley Whitford, Caleb Landry Jones, Stephen Root, Catherine Keener
Sorti le 3 mai 2017

Chris, jeune Afro-américain, part rencontrer la famille blanche de sa petite amie. S’il met de prime abord le comportement étrange de ces derniers sur le compte de leur différence de couleur, il ne va pas tarder à penser que la situation est autrement plus préoccupante.

Jordan Peele est principalement connu pour son duo avec l’acteur Keegan-Michael Key, avec qui il écrivit et interpréta de nombreux sketches, diffusés sur la chaîne américaine Comedy central au sein de l’émission Key and Peele. Sur les cinq saisons que compte le show, les deux comédiens n’hésitèrent pas à s’emparer de sujets forts comme les tensions raciales, à l’aide d’un humour absurde et irrévérencieux bienvenu.

Pour l’exemple, nous pouvons citer deux segments hautement recommandables (et visibles sur  Youtube), à savoir Black Ice (au sein duquel présentateurs télé et journalistes se déchirent autour d’un problème de verglas – la « black ice » du titre – devenu le symbole de l’opposition blanc/noir) et Alien Imposters (où des envahisseurs extraterrestres trahissent leur position en prenant l’apparence de caucasiens trop sympathiques pour être honnêtes).

Bien que Key and Peele ne puisse être réduit à ce type d’exercice, les différents épisodes couvrant une large palette de styles, cette disposition évidente à jouer avec les stéréotypes irrigue Get Out, la première réalisation de Jordan Peele, qui retrouve de son mordant après avoir co-écrit le décevant Keanu.

Le premier fait marquant est que le film parvient sans problème à tenir sur la durée, alors que l’on aurait pu craindre le contraire, de la part d’un habitué des formats courts. Si quelques longueurs sont à relever, notamment dans une deuxième partie un peu trop répétitive, le mélange original et réussi des genres (on passe allègrement de la comédie à l’horreur, sans oublier le thriller paranoïaque) permet de maintenir l’intérêt sur le long terme.

Deuxièmement, la charge politique du long-métrage, bien que pas toujours exploitée à fond, se révèle plus subtile que prévu, commençant par porter un regard acide sur le racisme ordinaire, avant d’en modifier le sens à l’aide d’une révélation assez osée qui apporte un second sens de lecture subversif (nous n’en dirons pas plus afin de préserver la surprise).

Surtout, sous ses airs de chronique sociale grinçante, Get Out n’en oublie pas moins d’être un vrai film de genre. En témoigne une tension de plus en plus palpable, jusqu’à un final à l’agressivité insoupçonnée. Le tout parvient à éviter les effets faciles (à peine un jumpscare au compteur), et préfère miser sur une réalisation maîtrisée et sur des acteurs à l’unisson. De quoi, toutes proportions gardées, réveiller pour un temps l’esprit des séries B engagées à la Invasion Los Angeles et donner envie de suivre les prochains projets du réalisateur de près.

A propos Guillaume Limatola 126 Articles
Journaliste