Funan, la détresse d’une mère

Funan
de Denis Do
Animation, Drame
Avec Bérénice Bejo, Louis Garrel, Colette Kieffer
Sortie prévue le 24 avril 2019

À l’heure où des partis extrémistes s’imposent peu à peu dans différents pays d’Europe, Denis Do nous présente un film animé magnifique et poignant autour d’une mère et son enfant, séparés durant la période communiste dévastatrice qu’a connu le Cambodge il y a quelques décennies.

Le voyage, tant temporel que géographique, tant culturel que politique, est au rendez-vous, puisque cette œuvre nous plonge dans la période de la révolution Khmer rouge, à partir d’avril 1975. L’État autocratique d’inspiration communiste qui en découle mène à la déportation de millions de citoyens. Chou, une jeune mère, est emmenée comme bien d’autres avec son époux, Khuon, son fils de deux ans, Sovanh, et le reste de leur famille. Au bout de quelques jours, Chou et son époux se retrouvent éloignés de leur fils après l’avoir perdu dans la foule quelques instants. La souffrance de cette séparation, dont la durée reste indéterminée, change Chou, mais aussi ses relations avec son mari et ses proches. Malgré cela, elle doit se plier comme tant d’autres à la rigueur, aux règles et au travail imposés par le parti.

L’impuissance, la survie, la résistance, l’injustice, la détermination et l’adversité sont au cœur de ce film émouvant, aux personnages attachants et humains. Chou, Khuon et leurs proches sont au cœur de ce film, qui se veut plus conscientisant et divertissant que documentaire, même s’il apporte des éléments informatifs. Cette œuvre s’inscrit dans la lignée de films animés tel que La Tortue Rouge, nous montrant de près la vie dans ce qu’elle a d’universel et de quotidien, dans un esthétisme soigné. L’amour et la haine, la joie et le malheur, l’union et la séparation, la vie et la mort : cette œuvre expose la complexité des rapports humains, dans un contexte d’oppression.

Cette production belgo-franco-luxo-cambodgienne mise sur l’économie de dialogues, les expressions des visages transmettent tous les non-dits à la perfection. La palette d’émotions que traversent les personnages imprègne l’animation. Les événements qui sont représentés ont la puissance nécessaire pour nous rappeler nos propres attachements familiaux, amicaux ou amoureux. Le spectateur d’un tel film n’est pas à l’abri de quelques larmes, tant le film de Denis Do est prenant. Il faut dire que cette réalisation, en plus d’être d’une grande beauté, est accompagnée d’une bande sonore remarquable qui amplifie à merveille chaque scène. Les décors, leurs couleurs et leurs lumières, sont détaillés et variés, tandis que les personnages gardent des traits simples mais expressifs.

S’il s’agit d’un animé, il faudra cependant souligner qu’il ne convient qu’à des enfants avertis de la violence et des sujets lourds qu’il contient. Ce film ne gomme pas la cruauté des défenseurs du communisme, au contraire, cette période est dépeinte avec autant de créativité que de réalisme.

A propos Cynthia Prévot 17 Articles
Journaliste du Suricate Magazine