Francis Lalanne est au Fou rire ce 28 novembre : interview

Dans le cadre du festival « Bruxelles sur scènes », Francis Lalanne interprètera pour la dernière fois son récital poétique De mémoire amoureuse au Théâtre le Fou rire ce mercredi 28 novembre à 20h15. Nomade, romantique et engagé, Francis Lalanne nous a confié ses sentiments sur l’existence et sa soif inaltérable de passion et d’envie.

Pouvez-vous nous expliquer la genèse de votre récital « De mémoire amoureuse » ?

C’est un récital qui est né d’un livre De mémoire amoureuse édité par un éditeur belge, les Editions Fortuna, originaire de Tournai. Dès sa parution, ce livre a été un succès. Depuis sa publication, il a été réimprimé cinq fois. Ce livre n’en finissait pas de vivre et un jour mon éditeur m’a proposé l’idée d’en faire un spectacle. En 2015, je l’ai créé à l’occasion du Festival d’Avignon. Dans ce récital, il y a des poèmes tirés de ce livre ainsi que des chansons.

Quels sont les thèmes que vous y abordez ?

Je parle de l’amour sous toutes ses formes. Avant, pendant, après. La naissance du sentiment amoureux, la passion, la sexualité, l’amour conjugal, la rupture. Je parle de toutes les phases de l’amour mais aussi du doute et de la solitude. Je souhaitais aborder tous les côtés de l’amour, le positif et le négatif. De mémoire amoureuse est un livre où j’ai osé parler de moi, utiliser le « Je », raconter mes expériences au lieu de me planquer dans le récit de ce que je pouvais voir ou chroniquer dans le monde. Tout d’un coup, j’ai décidé de me chroniquer moi-même.

Vous le jouez depuis combien de temps ?

C’est un spectacle qui a eu une longue vie puisqu’on a fait deux saisons au festival d’Avignon puis deux tournées en France. Il s’est toujours joué à guichet fermé et on avait fait notre dernière à Avignon il y a quelques années. Jusqu’à ce qu’on me propose dans le cadre de Bruxelles sur scène de ressusciter ce spectacle, d’en faire une sorte de Der des Ders. Je le remonte exceptionnellement pour une dernière représentation. C’est très émouvant pour moi parce que dans mon esprit ce spectacle était terminé. Je veux continuer à monter des spectacles autour de la poésie. Mais tant qu’on n’a pas fini une aventure, c’est très difficile d’en commencer une autre.

Vous avez soufflé vos 60 bougies en août dernier, est ce que c’était un cap à franchir ?

Je n’ai pas eu le choc de la soixantaine. Tout d’abord, parce que je crois que je ne la porte pas, je ne me sens pas du tout sexagénaire. Pour moi, rien à changer. Je continue ma route et mon chemin de vie avec toujours beaucoup de projets. C’est comme si ma vie était devant moi et pas derrière.  Je ne sens ni mon corps, ni mon cœur vieillir. Je suis dans le même état d’esprit et la même condition physique qu’il y a 40 ans. J’ai le même état d’esprit, avec une grande curiosité et un désir de vivre de nouvelle expérience, d’apprendre encore des choses de l’existence. C’est ma nature. Je ne regarde pas derrière moi, je regarde devant. Je n’ai pas de rétroviseur dans ma voiture. Et d’ailleurs je n’ai pas de voitures (rires.) C’est un tapis volant (rires).

Est-ce qu’il vous arrive d’éprouver de la lassitude dans la vie ?

Je l’éprouverai si je m’ennuyais mais je ne m’ennuie jamais. D’autant plus que je m’exprime dans diverses disciplines. Je ne fais pas que de la chanson ou de la poésie. Je fais aussi du théâtre, de la production, de la danse. J’ai tellement d’activités que je passe de l’une à l’autre de sorte que ça m’évite l’ennui. Je suis quelqu’un qui marche. Je n’ai pas vraiment de domicile fixe, je suis toujours en voyage. Je suis un nomade dans tous les sens du terme, y compris dans mes centres d’intérêts.

Etre nomade et avoir une vie de famille, c’est possible ?

Vous savez, il y a des familles avec des marins qui partent six mois et puis qui reviennent. Je crois que l’on rencontre les êtres avec qui l’on peut vivre ce qu’on a à vivre. La mère de mes enfants, ça lui convenait d’avoir un compagnon qui ne soit pas là tout le temps. Sinon, elle en aurait pris un autre. Je pense que c’est un état d’esprit. Mes enfants n’ont jamais manqué ni d’amour, ni de rien. Ils ont toujours eu un papa qui part en voyage mais surtout un papa qui rentre de voyage. Le temps que j’ai passé avec mes enfants, j’étais avec eux. Je n’étais peut être pas toujours là mais quand je l’étais, je l’étais complètement.

Qu’est-ce qui vous fait vous lever heureux le matin ? Et vous coucher triste le soir ?

J’évite de me coucher triste, je cultive le bonheur du réveil. Le matin, la première chose que je fais c’est de dire « Merci ». Merci à n’importe qui, à n’importe quoi, à tout, à Dieu, au bien, au mal, au positif, au négatif. Je dis « Merci » parce que je suis dans la vie. J’ai cette chance extraordinaire de pouvoir expérimenter la vie. La première joie que j’ai quand je me réveille, c’est de ne pas être mort. Et le soir, si j’ai une pensée triste, j’essaye de la chasser de mon esprit.

Vous semblez être un optimiste dans l’âme ?

Je dirai plutôt que je cultive la pensée positive. L’optimisme serait de considérer que tout va bien… et  tout ne va pas bien. Je ne pense pas non plus que tout ira mieux demain. Mais cultiver la pensée positive nous aide à supporter la corrosion du réel et la difficulté de la vie. Plus nous arrivons à avoir une vision positive des choses et plus elles le deviennent. Se rouler par terre et pleurer, ce n’est pas la meilleure façon de régler les problèmes. D’où mon engagement politique et mon engagement en règle général. Je pense que s’engager est quelque chose de très important dans la société d’aujourd’hui.

En parlant d’engagement, j’ai lu récemment que vous souhaitiez entrer dans la réserve de la gendarmerie nationale, pourquoi ce choix ?

J’ai été objecteur de conscience quand j’étais jeune et je l’ai été de manière très sincère. Ensuite, j’ai rencontré des personnes que j’ai trouvées absolument extraordinaire dans ce milieu qui m’ont fait réviser ma position. Je me suis rendu compte que la sureté et la sécurité font partie intégrante de la déclaration des Droits de l’Homme. Et que les gens qui défendent la sécurité, défendent en vérité l’un des droits fondamentaux de l’Homme. Je trouve assez anormal que tout le monde veille être protégé et que les gens qui sont en charge de cette sécurité soient si souvent mal aimé. C’est finalement absurde. Moi-même ayant ce sentiment ambivalent, je me suis remis en question. Ce service militaire que je n’ai pas rendu à mon pays, c’était quelque chose que je lui devais. J’avais une dette envers lui en tant que citoyen. Mon engagement aura quelque part une valeur exemplaire puisqu’il va forcément poser question vu son caractère incongru. Et j’espère que par mon biais, d’autres personnes pourront à leur tour reconsidérer leur vision de la chose. Par ailleurs, j’ai tellement été touché par le sacrifice du gendarme Beltrame, qu’avoir mon engagement dans la gendarmerie, c’était le faire dans un secteur qui a produit une personne de la qualité de ce lieutenant-colonel. Cet homme capable de donner sa vie pour sauver les autres a fait naître chez moi une vocation.

C’est quoi votre philosophie de vie ?

J’ai une devise : « Tout commence et tout commencera toujours ». Etre au départ dans les deux sens du terme, au départ et sur le départ. J’aime cette pensée, chaque jour est le premier du dernier de ma vie.

Ne ratez pas cette dernière représentation de De mémoire amoureuse, ce mercredi 28 novembre au Théâtre le Fou rire.  Vous y découvrirez un Francis Lalanne intimiste, sans masque ni tabou. Pour vous conter un moment de vie au son de son cœur qui bat inlassablement fort et inlassablement beaucoup.