Festival Mouvements d’identité, jusqu’au 09/12

Le festival Mouvements d’identité, à l’initiative d’Isabelle Pousseur, nous plonge dans les récits de trois femmes, traversant la Tunisie, le Niger et le Burkina Faso. Elles interrogent l’héritage à travers la mémoire collective et leurs propres histoires pour comprendre qui elles sont.


Final Cut : conception et écriture Myriam Saduis, collaboration à la mise en scène d’Isabelle pousseur avec Myriam Saduis et Pierre Verplancken. Du 7/12 au 9/12.

Myriam Saduis arrive d’un pas assuré et sautillant. Elle tente de se souvenir et cherche où tout à commencé. C’est une femme aux multiples identités qui se présente à nous. Petite fille, elle parle cinq langues, puis change de nom à seize ans, ne connait pas son père, elle est d’origine italienne et tunisienne et vit alors en France. Autant d’informations qui finissent toutes par mener à une question : qui suis-je ? Pour y répondre, elle déroule son fil d’Ariane dans une longue traversée où poètes et musiciens se rencontrent. Une quête de soi dans laquelle Marguerite Duras côtoie Barbara.

Son visage évolue, il grandit au fur et à mesure qu’elle raconte, et rajeunit plus elle découvre. Dans ce monologue, un homme entre, il sera sa mère, son père et son double. C’est avec lui qu’arrive, sans grande surprise, le théâtre. Le travail de metteur en scène et de comédienne de Myriam Saduis fait indéniablement écho à son vécu, et il prend forme dans un extrait de La mouette de Tchekhov.

La scène est occupée par un bureau qui lui révèlera ses secrets au fur et à mesure, archivant le passé. Une lettre, une photo, les objets intimes racontent pendant que les films défilent. Une ombre sur l’écran, une femme regarde et prend place dans l’Histoire. Se souvient-on de ce qu’il s’est passé ? On replonge en 1956 à la fin du colonialisme français en Afrique du Nord, une époque toujours aussi taboue aujourd’hui.

Une enquête menée au rythme d’une thérapie, où la transmission s’entretient par les non-dits et l’invisible. Ce que l’on ignore mais qui détermine ce que nous sommes. Ses parents lui lèguent un lourd héritage, qu’elle réussit à nous partager avec pudeur. Cette femme mi enfant mi ancêtre raconte avec poésie. Final Cut est un témoignage touchant et vibrant qui rend compte d’un théâtre de la vie et de l’histoire.


J’appartiens au vent qui souffle : avec Aminata Abdoulaye Hama, texte de Jean-Marie Piemme, mise en scène d’Isabelle Pousseur. Jusqu’au 9/12.

Tout commence par un cri vibrant, celui d’Antigone, celui d’une femme et celui d’une comédienne. Face à elle, une première porte qui se ferme sans explication valable. Le théâtre restreint, dans une société qui enferme. Le combat commence pour réaliser ce qu’elle désire le plus, faire du théâtre. Entre quelques cours de géopolitique, elle nous raconte son expérience du Niger à Bruxelles.

Sur sa route, on croise la naissance de son engagement féministe face aux abus patriarcaux, la question de la religion mais surtout les contradictions que deux cultures imposent. Pour s’adapter, son corps et sa pensée se divisent et nous présentent deux Aminata. Ce qu’elles ont en commun ? Elles revendiquent qui elles sont et réclament ce qu’elles désirent. Aminata 2 fait du théâtre dans un monde moderne. Aminata 1, rentre auprès d’une famille traditionnelle nigérienne. Elle jongle entre ses vies, comme à travers le théâtre. Elle fait preuve d’ouverture, de spontanéité et d’adaptation, rares.

Malgré les difficultés, elle ne cesse jamais de se battre. Ce sera au tour de Phèdre d’apparaître. Ces héros, qu’elle réussit si bien à incarner, l’accompagnent tout le long. Leurs mots de résistance deviennent siens et lui permettent de se mettre à nu face à nous.

Sa silhouette se dessine sur le mur, c’est le corps d’une femme fière qui se tient droite, ancrée au sol. Ses gestes racontent autant que ses mots. Sur le plateau se répandent des accessoires créant une île, un passé qui se construit et se démêle, jusqu’à la mener là, sur scène. Elle est aussi drôle, généreuse et réussit à nous connecter à elle avec simplicité. Dans un vent de liberté, Aminata Abdoulaye Hama nous livre un témoignage brûlant de caractère et de force, qui ne peut provoquer qu’un grand respect.


Legs « suite » : jeu, conception et écriture de Edoxi Gnoula, mise en scène de Philippe Laurent. Jusqu’au 9/12.

Nous prenons place devant Legs « suite », le troisième récit de ce festival. Devant nous, une chaise et un corps recroquevillé, où l’on croise un visage. Un visage qui se métamorphosera et incarnera sans cesse différents personnages. Il y a en lui, une rage de vie, une présence saisissante qui ne laisse pas indemne. C’est entièrement grâce à son regard que l’espace se construit. On voit ce qu’elle regarde, on sent ce qu’elle touche, on entend ce qu’elle danse.

La scénographie se divise en deux espaces fictifs qui créent la rencontre entre mémoire d’un pays à gauche et histoire personnelle à droite. Au travers de discussions de café, au rythme d’une dispute politique qui resitue l’histoire du Burkina Faso, on découvre peu à peu qui est cette femme, en train de boire une bière jugée trop forte pour son sexe et qui écrit. Elle se nomme Edoxi, et les évènements marquants de sa vie sont retranscrits sous forme de saynètes. Elle raconte avec un humour piquant. Son œil est vif et malicieux, il te regarde et te cherche. C’est à toi qu’il s’adresse. Au creux de ses histoires, des archives surgissent : on rencontre l’enfant, on aperçoit la mort.

Malgré les embuches et grâce aux belles rencontres – auxquelles elle rend hommage – elle avance d’un pas déterminé. Dans sa recherche d’un père méconnu, les portraits d’une mère et d’une enfant se dessinent. Elle ne cesse jamais de porter fièrement ses racines et de préserver sa culture. C’est d’ailleurs sur la musique de Toumani Diabaté que dansent ses paroles. Edoxi Gnola réussit à donner corps aux mots, et nous offre un portrait, pas commode, d’une femme intelligente et déroutante.


Qu’est-ce que le théâtre ? Un corps, une présence, un texte. Les comédiennes Myriam Saduis, Aminata Abdoulaye Hama et Gnoula Edoxi Lionelle transcendent leurs scènes grâce à leur générosité et leur vérité. C’est un bel hommage à la vie, et au pouvoir du théâtre, que nous offre le Théâtre Océan Nord jusqu’au 9 décembre.

Des concerts et des débats, ainsi que des rencontres avec les artistes sont organisés tout le long du festival.

01/12 – 22 :00 Concert Tout au bord, Laurent Ancion
02/12 – 15 :30 Diversité des parcours féministes en Belgique (rencontre/débat)
02/12 – 17 :00 Chorale Van de Trinette, Elanuela Lodato/Astrid Howard
08/12 – 11 :00 L’Afrique et ses fantômes, Seloua Luste Boulbina (rencontre/débat)

Ces évènements sont gratuits, pensez à réserver.

Plus d’informations sur : http://www.oceannord.org/2018/mouvements-didentite/

A propos Luna Luz Deshayes 29 Articles
Journaliste du Suricate Magazine