Faussaires de génie de Helene et Wolfgang Beltracchi

Faussaires de génie

auteurs : Helene et Wolfgang Beltracchi
édition : L’Arche
sortie : octobre 2015
genre : Biographie

C’est l’histoire d’un jeune garçon qui très tôt s’est nourri des paysages enneigés et des jeux sur la glace dans sa campagne allemande ainsi qu’en assistant aux restaurations qu’entreprenait son père dans les églises. Jusqu’au jour où celui-ci, pensant que cela occuperait l’enfant un bon moment, lui proposa de reproduire un Picasso, via une image du tableau présente dans un des livres d’art qu’ils possédaient à la maison. Il le finira en à peine quelques heures. Stupéfait, son père lui abandonnera ses pinceaux.

Les études ne sont pas sa tasse de thé surtout à une époque où le Peace and love des hippies était le mantra de toute une génération de fumeurs de pétards devant l’éternel, Wolfgang n’échappe pas à la règle. Il se rend cependant compte très tôt que le marché de l’art est en manque d’œuvres de grands maîtres. Après des études de tableaux dans les musées, dévoreur boulimique de livres d’art et doté d’une mémoire photographique incroyable, il se lance dans la copie de tableaux commençant par de petits formats jusqu’à se rendre compte que les plus grands rapportaient bien plus, bien que plus difficiles à reproduire et à faire authentifier. Il trouve de vieilles toiles ainsi que de vieux cadres en écumant les marchés aux puces d’Allemagne, de France et de Belgique mais lorsqu’il veut se lancer dans les grands formats, les toiles sont beaucoup plus difficiles à trouver. Il achètera donc une étuve pour faire vieillir ses tableaux plus rapidement.

Faussaire de génie, Wolfgang à cette capacité d’intégrer complètement le style pictural autant que technique de chaque artiste qui le fascinent. Il ira jusqu’au Maroc, en Thaïlande et en Polynésie avant de s’établir avec sa famille dans le sud de la France, pour s’imprégner totalement des ambiances, des odeurs, de la lumière qui nourrissaient le travail de ces mêmes artistes et lui après eux. Excellent peintre, c’est pourtant les copies qui l’intéressent le plus tout d’abord parce que le prix de revenus est énorme et accompagné d’une bonne dose d’adrénaline quand un tableau est authentifié. Ensuite, à cause d’un désir immense de liberté qui l’accompagnera toute sa vie.

Pendant 30 ans, il bernera tous les galeristes, tous les experts, connaisseurs et amateurs en tous genres. Très peu de ses tableaux furent refusés lors des expertises et la plupart d’entre eux trouvèrent même leur place comme pièce maitresse d’étude consacrée à un artiste ainsi que dans les plus grandes expositions. Certains ont même été considérés comme les toiles les plus réussies des peintres copiés. Derain, Matisse, Ernst, Léger, Modigliani, Campendonk, Braque, Léger… Fauvisme, Cubisme, Expressionnisme, Pointillisme… tous les styles contemporains sont reproduis avec une aisance fulgurante.

Le domaine où il a choisi d’opérer est très fermé et il est clair que l’on se demande pourquoi il n’a pas peint pour être connu après quelques expositions en son nom pourtant réussies. Mais l’envie d’être libre, plutôt que d’écoper d’un avenir incertain et de devoir écouter les conseils des galeristes ne l’attiraient pas. Si la démarche peut paraître insensée et la pratique totalement illégale, il n’empêche qu’il faut reconnaitre en Wolfgang Beltracchi un génie commercial doublé d’un peintre complet avec un parcours franchement impressionnant. Et réussir à berner le monde l’art durant autant d’années est tout bonnement incroyable.

Ecrit à 4 mains, la majorité du livre l’est de celle de Wolfgang et seuls certains chapitres sont de la main de sa femme Helene. Ecrit dans un style excellent et très détaillé avec quelques illustrations bien choisies, c’est aussi et surtout une grande histoire d’amour qui explose à travers ses lignes : pour sa femme qui partagera tout et ses deux enfants Manu et Franziska toujours protégés et tenus à l’écart de ses malversations ; et pour l’art.

Faussaires de génie – Autoportrait est une sacrée brique impossible à lire d’une traite tant il faut prendre son temps pour le déguster et s’en imprégner. Un livre qui nous entraîne aux confins de l’art, là où le génie flirte avec l’illégalité.

A propos Daphné Troniseck 254 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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