Fabrice Eboué : « Une partie de la Belgique me découvre complètement »

Crédits photos ©Julien Berger

C’est un homme dont la notoriété n’est plus à faire en France. Humoriste confirmé, acteur talentueux et scénariste incroyable, Fabrice Eboué possède plusieurs cordes à son arc pour convaincre les amateurs d’humour.

Pourtant, malgré son succès, Fabrice Eboué reste un homme humble, agréable et souriant.

Rencontre avec cet artiste qui sera de passage en Belgique pour trois dates exceptionnelles.

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Fabrice Eboué, vous êtes un homme aux multiples talents et, au détour de votre biographie, nous avons pu constater que vous avez même touché au rap. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Oui, j’étais un piètre rappeur car je n’étais pas très mélomane. Mais j’avais une chance, celle de pouvoir écrire des textes assez drôles. Dès lors, ce n’était pas du gangsta rap mais bien des chansons pour faire rire mes potes.

C’est un peu comme cela que j’ai débuté dans le comique. J’ai alors commencé la scène en 1998 dans des petits lieux à droite et à gauche. Et puis, la médiatisation est arrivée quelques années plus tard via le Jamel Comedy Club, via des émissions que je faisais à la radio et enfin le cinéma.

Vous l’avez dit, vous êtes passé par le Jamel Comedy Club. Cela a-t-il été un véritable tremplin pour vous ?

Oui. À l’époque, je jouais dans un petit théâtre de Paris qui s’appelait Les Blancs Manteaux et qui était l’un des théâtres mythiques du Marais comme Le Café de la Gare et Le Point Virgule. C’est là où ont démarré les Coluche, Desproges et autres.

Il est vrai qu’avant cela, j’avais connu deux années de galère. Mais au final, ces deux années de galère ont été aussi une période d’apprentissage. C’est à cette époque que Jamel m’avait repéré et m’avait proposé d’entrer dans sa troupe.

Je m’y suis beaucoup amusé.

Vous avez d’ailleurs gardé un lien très fort avec vos anciens camarades que sont par exemple Claudia Tagbo, Thomas Ngijol ou Amelle Chahbi…

Bien sûr. J’ai continué à travailler avec Claudia Tagbo pour laquelle j’écris des textes. J’ai aussi écrit avec Amelle la pièce Amour sur place ou à emporter, qui est devenu un film par la suite. Et enfin Thomas avec qui j’ai travaillé au cinéma dans Case Départ et Les Crocodiles du Botswanga.

On a effectivement gardé un beau lien dans la famille et je pense que c’est une bonne chose. C’est une aventure géniale qui doit continuer, même si chacun a aussi besoin d’avoir ses projets solitaires.

Votre spectacle précédent s’intitulait « Faites entrer Fabrice Eboué ! », et votre nouveau one man show se nomme « Fabrice Eboué, levez-vous ! ». Cette suite logique était-elle voulue dès le départ ? Est-ce que, dès l’écriture, les deux spectacles étaient une évidence ?

Non, pas du tout. Je fais les choses au feeling.

C’est pourquoi, lorsque j’ai présenté mon spectacle « Faites entrer Fabrice Eboué », j’ai senti que je devais remonter sur les planches par après.

Alors oui, il y a une logique de continuité dans le titre, mais on peut très bien voir ce spectacle sans avoir vu le précédent.

Maintenant, on peut se demander « pourquoi cette sémantique judiciaire ? ». Déjà, parce que j’aime bien traiter les faits divers avec un regard différent. Mais aussi, parce que lorsque j’étais à la faculté d’Histoire à Créteil, le tribunal était juste à côté et je passais mon temps à aller assister aux procès. Ce sont des grands moments de théâtre, de la vie certes avec de grands drames qui se jouent.

La grande question est donc : est-ce que le troisième spectacle s’appellera « Coupable » ou « Acquitté » ? Je ne sais pas, on verra bien.

Lorsque l’on regarde les extraits de votre spectacle, on remarque que vous traitez toujours les sujets de société sur un ton caustique voire acide. Faites-vous cela de manière pamphlétaire ou bien est-ce juste une manière de se moquer ?

C’est certain qu’il y a des choses que je trouve juste drôles. D’autres sujets sont plus personnels. Mais de manière générale, il est vrai que j’ai un peu de mal à traiter du quotidien. Il y a effectivement toujours un fond de critique sociale.

Beaucoup d’humoristes se nourrissent en regardant d’autres humoristes. Moi bizarrement, je ne regarde jamais ce qui est sensé me faire rire. Je préfère les sujets de société qui sont souvent des drames.

Je pense qu’à travers cela, j’ai besoin de prendre du recul. L’objectif du spectacle est d’ailleurs celui-là. Il faut que le spectateur puisse se dire que la vie a ses contraintes et qu’elle n’est pas toujours facile, mais que pour une fois, on va mettre ses préjugés et ses complexes au vestiaire, et on va rire de cela tous ensemble.

Alors, je ris de tout bien sûr, mais je ris aussi de moi-même car l’auto-dérision ouvre la porte à la dérision en général.

Si je vous suis, rire de tout permet de mettre les choses à plat ?

Exactement. Par exemple, lorsque je parle des religions, je vais me servir autant du côté juif que du côté musulman, ou encore du côté catholique. Il arrive alors qu’un spectateur vienne me voir à la fin du spectacle en me disant : « Moi, je suis bouddhiste et vous n’avez rien dit sur les bouddhistes ! ». C’est amusant car il y a peut-être un côté un peu masochiste chez le spectateur.

Cela dit, les gens me connaissent et viennent en connaissance de cause. C’est un public averti qui sait ce qu’il vient voir quand il me consomme. Moins en Belgique, mais en France, les gens me connaissent tout de même bien.

Vous êtes connu en Belgique également ! Par le cinéma notamment…

Oui. Quoique, j’ai fait une émission récemment en Belgique où les chroniqueurs présents autour de la table ne me connaissaient pas du tout.

Je pense qu’il y a une partie de la Belgique qui me découvre complètement.

Beaucoup d’humoristes s’attardent aujourd’hui sur la politique, que ce soit sur Hollande ou sur Sarkozy. Finalement, vous êtes l’un des rares à ne pas en parler dans vos spectacles. Pourquoi ?

Ce n’est pas trop mon truc. Alors, j’ai bien un petit mot sur l’un ou sur l’autre, mais il est vrai que je n’en fais pas un sketch pour autant.

Je ne fais pas cela car la politique est, comme vous le disiez, traité en permanence par les Guignols de l’info, par moult chroniqueurs au quotidien, par les imitateurs comme Laurent Gerra ou Nicolas Canteloup, etc. Je préfère traiter des grands faits de société et surtout, je passe toujours par ma propre existence et ma propre intimité.

De nos jours, il y a tellement de comiques que la seule chose qui est encore originale, c’est de parler de soi. C’est un témoignage qui est unique et c’est pour cette raison que j’ai choisi cette façon de faire.

Trouvez-vous qu’il y a trop d’humoristes sur le marché ? Et si oui, pour quelle raison ?

Oui, en 1998 on était beaucoup moins et on se connaissait tous. La médiatisation de l’époque était principalement le bouche-à-oreille. Il n’y avait quasiment rien comme émission humoristique si ce n’est une émission qui passait tard le lundi soir et qui s’appelait «Les coups d’humour».

On était dans une sorte de no man’s land de l’humour car on était entre deux époques. Ensuite sont arrivés le Jamel Comedy Club ou l’émission de Laurent Ruquier qui ont donné à de nombreux jeunes l’envie de faire de l’humour.

La grosse différence par rapport à mon époque est que la médiatisation peut aller à une vitesse folle. Puis, il y a le net qui permet à des inconnus de se faire connaitre rapidement.

Alors oui, il y a beaucoup plus d’humoristes et avoir de la concurrence, c’est très bien pour monter le niveau. Mais après, le fait de noyer le spectateur n’est pas bon non plus.

Lorsque l’on regarde les réactions des spectateurs sur le net, on remarque que le principal atout de votre spectacle est la vitesse à laquelle vous débitez les vannes. Partagez-vous cet avis ?

Oui, avec moi, il faut que ça tombe rapidement. Les gens viennent voir quelque chose de comique et il est dès lors de notre devoir de les faire rire le plus possible pendant le spectacle.

Vous l’avez dit, vous écrivez beaucoup pour les autres. Mais au regard de votre agenda, on se demande comment vous trouvez encore le temps de faire cela…

Avant, je n’avais peu ou pas de vie de famille et je vivais seul. Aujourd’hui, c’est différent. Je vais être papa au mois de janvier et je vais entrer dans la vraie vie… enfin je crois (rires).

Mais sinon, j’écris tout le temps et vite, sur mon smartphone notamment. Je pense que c’est surtout une question d’organisation.

Concernant le cinéma, avez-vous quelque chose en cours en ce moment ?

Je suis en écriture pour l’instant. J’aimerais écrire pour Claudia Tagbo et moi. Maintenant, je suis un peu à tâtons pour le moment. Le plus difficile dans un film, c’est de trouver la bonne idée. Car une idée ce n’est pas suffisant, il faut trouver l’idée qui puisse se développer sur une heure et demi.


Fabrice Eboué sera le 28 novembre à la Maison de la Culture d’Arlon, le 29 novembre au Cirque Royal et le 7 janvier au Forum de Liège.

reserve

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.

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