Et si on en profitait pour faire une rétrospective de Tim Burton ?

La sortie de « Big Eyes », ou l’excuse pour concocter une rétrospective sur la vie d’un cinéaste de talent

Vous le savez, ce 18 mars dernier, est sorti le film tant attendu, Big Eyes. Adultes comme enfants, nous connaissons tous les films de Tim Burton. Que ce soit l’univers fantastique et coloré de Charlie et la Chocolaterie, la magie de Edward aux mains d’argent ou l’univers sombre et sanglant de Sleepy Hollow, l’émerveillement s’opère à chaque fois. Il est facile d’aimer Tim Burton, comme il est facile d’être envahi de déception face à son évolution. En passant par son enfance, ses expériences douloureuses et heureuses, ses relations humaines et sa filmographie hautement réussie, nous tenterons de rentrer par une petite porte dans son jardin secret.

Burbank, la banlieue effrayante : le petit Tim naît en Californie à Burbank. Mais malgré sa proximité avec Los Angeles, Hollywood et sa réputation mondiale de capitale du cinéma, Burbank reste une banlieue pour les classes ouvrières. Tim restera profondément marqué par cet univers qu’il reproduira dans Edward aux mains d’argent. La banlieue se prétendant agréable est pourtant synonyme d’un malaise perpétuel. Elle pointe du doigt une Amérique qu’il dénoncera à maintes reprises dans ses films.

Comment l’horreur change un homme : enfant, de caractère introverti et calme, Burton aimait aller au cinéma, dessiner et se divertir, comme tous les autres enfants. En grandissant, au lieu de passer à d’autres activités, il les perfectionna. Solitaire, il passa son adolescence au cinéma à admirer les monstres dans des films plus effrayants les uns que les autres. Le jeune Tim n’avait pas peur, il ressentait même de la pitié pour ces monstres, qui selon lui, étaient éternellement incompris. Ces films évoquant fureur, horreur et folie étaient certainement une libération pour le futur réalisateur peu démonstratif. Un sentiment de rébellion grandissait à l’intérieur de l’adolescent.

Tim et le dessin : son terrible don de dessinateur lui permit d’acquérir une reconnaissance locale, de gagner un peu d’argent de poche et surtout de faire un profond travail sur lui-même. Peu importe si les gens aimaient ses dessins. Lui, il aimait les faire. Cette révélation a été pour lui un choc et il décida de se battre toute sa vie pour préserver cette liberté. Pour Tim Burton, tout avait un sens, tout était permis. Il décroche une bourse pour Cal Arts, faculté à l’enseignement « militaire » fondée par Walt Disney, et découvre l’animation. A cette époque, le monde de l’animation était un petit monde contrairement à aujourd’hui. Il était plongé dans un univers alliant la rudesse à l’euphorie. Une histoire d’amour compliquée commençait entre Burton et Walt Disney.

Dans le monde de Walt Disney : c’est Stalk of the Celery Monster qui lui permit d’entrer chez Disney. Le début d’un enfer pour cet artiste. Il commença à travailler sur Rox et Rouky mais était incapable de dessiner ces boules de poil «  façon Disney » et il en souffrait. Il réalisa le paradoxe qu’habitait le studio : sois un artiste, mais sois également un ouvrier répondant aux ordres, sans broncher. Déprimé, il devenait étrange, s’enfermait dans une armoire ou s’arrachait des dents de sagesse. La sérénité revint quand il fut embauché comme artiste-concepteur sur Taram et le chaudron magique. Là, au moins, il pouvait dessiner toutes les créatures qu’il voulait. Cependant, le rêve s’arrêta bien trop vite quand on lui présenta son nouveau partenaire, au style bien plus classique, Andreas Deja. Toutes les idées de Tim furent bien vite effacées pour rendre la place au traditionnel.

A la suite de cette période difficile, ses alliés chez Disney lui offrirent assez d’argent pour produire un court-métrage d’animation, Vincent. A la base, il avait écrit cette histoire pour en faire un livre pour enfants, mais l’opportunité de lui donner vie surpassa son idée d’origine. Ce fut le commencement de tout…

vincent tim burton

Largement autobiographique, Vincent est un court-métrage en stop-motion (animation image par image, comme Wallace et Gromit) narrée par le célèbre Vincent Pride. Tim Burton a senti son cerveau exploser en travaillant avec cet acteur qu’il avait admiré toute son enfance. Il met en scène, Vincent, un petit garçon de 7 ans légèrement perturbé, rêvant d’être Vincent Pride et dévorant la littérature d’Edgar Allan Poe. Quand il ne se morfond pas dans sa vie banale à la banlieue, Vincent se projette dans des fantasmes tirés de ses lectures et films d’épouvante joués par son acteur favori, comme transformer son chien en zombie, plonger sa tante dans une marmite de cire bouillante et vérifier si son épouse enterrée vivante est bien morte. La fin montre Vincent, allongé sur le sol et récitant la fin du « Corbeau » de Poe. Les gens de Disney ont conclu qu’il était mort devant l’incompréhension du réalisateur. Il dit : « Qui peut se permettre de dire s’il est mort ou s’il est juste beau quand il est dans son petit monde à lui ? ». Le film reste ouvert à l’interprétation, chose que les gens détestent, mais que Burton adore. La ressemblance de Vincent avec son créateur n’était vraisemblablement pas voulue. Vincent est surtout représentatif de l’état dans lequel se trouvait Tim, plus jeune.

hansel et gretel tim burton

Hansel et Gretel est un téléfilm d’épouvante pour enfants diffusé sur Disney Channel, le jour d’Halloween. Tim Burton nous livre ici une version asiatique du célèbre conte des frères Grimm et nous prouve une fois de plus son imagination débordante. Nos deux héros, interprétés par Jim Ishida et Michael Yama doivent s’échapper de la maison en pain d’épice d’une sorcière, ou plutôt d’un sorcier. Dans un univers effroyablement gourmand, le réalisateur partage l’une de ses passions pour les jouets en tout genre, qu’il qualifie comme un prolongement de son imagination. En effet, le père des deux enfants n’est plus ébéniste, mais fabricant de jouets. A la suite de Hansel et Gretel, Burton affirmait que quoi qu’il fasse, cela devait lui ressembler.

frankenweenie tim burton

Dans Frankenweenie, on rencontre Victor Frankenstein (Barrett Oliver) qui, désespéré par la mort de son bull-terrier, Sparky, va le réanimer dans le grenier de ses parents. Le petit garçon de dix ans devra tout faire pour prouver à ses proches que Sparky n’est pas un terrible monstre, mais bien le même chien qu’avant. Tim Burton rentre dans la cour des grands en travaillant avec des comédiens professionnels comme Shelley Duvall et Daniel Stern ou encore le cinéaste Paul Bartel. Le réalisateur affirme que c’est pendant le tournage de ce film qu’il a réalisé à quel point la communication avec les acteurs étaient importante. Il n’avait fait que quelques pas dans le monde intransigeant du cinéma, mais pourtant, Tim Burton réussissait avec brio le rôle difficile de réalisateur.

aladdin and his wonderful lamp tim burton

Juste après Frankenweenie, Shelley Duvall lui propose de réaliser un des épisodes de Faery Tale Theatre, un honneur pour le jeune réalisateur. C’est ainsi que naquit Aladdin and his Wonderful Lamp ayant pour acteur James Earl Jones interprétant le Génie de la lampe ainsi que le magicien félon. Malgré un apprentissage certain, Tim Burton n’en garde pas un très bon souvenir. Sur le tournage, il n’était pas entièrement libre et cela l’empêchait de faire son travail au maximum de ses capacités.

pee wee tim burton

Tim Burton n’a jamais eu du travail aussi facilement. Après avoir vu Frankenweenie, Paul Rebens et les producteurs de Pee-Wee Big Adventure lui ont automatiquement demandé s’il voulait faire le film. Chose à laquelle Tim a répondu un grand oui. On le remercie d’avoir fait ce film aussi culte retraçant une aventure aux quatre coins de l’Amérique dans le but de retrouver une bicyclette. Il adorait que le principal enjeu soit celui de l’obsession du protagoniste par son sympathique véhicule à deux roues, et pas d’un l’objectif plus « hollywoodien». Pee-Wee, qui s’en contrefiche d’être un marginal dans une société conformiste, vit dans sa bulle qui, évoquant un sentiment de liberté, le retiendra malgré tout en captivité. Notons que Burton a vécu la même chose quand il était artiste concepteur pour Disney. Peut-être est-ce pour cette raison que ce projet l’a directement charmé…

Alfred Hitchcock Present's The Jar

The Jar est une réactualisation d’un des épisodes de la série Alfred Hitchcock Present’s produite par NBC. Dans cet épisode, Knoll, un artiste peu inspiré et ne vendant pas la moindre œuvre, trouve un bocal rempli d’un liquide bleu contenant une créature morte. Fasciné, il décide donc de l’exposer dans sa galerie d’art et cet étrange objet attire le succès et le public que Knoll n’avait jamais connu. Néanmoins, son pouvoir ne s’arrête pas là et perversion et diabolisme seront au rendez-vous. Comme dans Aladdin and his Wonderful Lamp, sur le tournage, Burton n’était pas le seul maître de la situation, chose qui, l’insupporte au plus haut point. Sans prétendre ne jamais faire d’erreur, le réalisateur a bel et bien besoin de se sentir en connexion profonde avec son projet, sans directives venues de l’extérieur.

beetlejuice

« Beetlejuice ! Beetlejuice ! Beetlejuice ! » L’auteur de The Jar, Michael Mc Dowell fait parvenir à Tim Burton le scénario de Beetlejuice : morbide, amusant, délirant, parfait pour le réalisateur. Le scénario libérateur, contraire aux idées préconçues d’Hollywood a directement convaincu Burton. Adam et Barbara Maitland, couple jusque-là parfait, périssent dans un accident et se retrouvent à hanter leur maison de la Nouvelle-Angleterre. Fantômes, il leur est impossible de quitter leur demeure à moins de vivre dans l’enfer qu’est devenu l’extérieur. Quand les Deetz, famille new-yorkaise riche et snob, emménagent, les faire fuir est impossible. Pour arriver à leurs fins, ils feront donc appel à Beetlejuice…

batman tim burton

C’est après la sortie de Pee-Wee Big Adventure que les producteurs de Batman demandèrent à Tim Burton s’il était intéressé de le réaliser. Mais ils ont attendu jusqu’aux résultats de Beetlejuice pour donner le feu vert au réalisateur, comme si son talent se mesurait uniquement par cette réussite. Il s’agit encore bien évidemment du fameux duel entre le Joker et Batman, mais dans une approche beaucoup plus noire au caractère effrayant. Même si Burton n’a jamais eu beaucoup d’intérêts pour les comics, il a toujours apprécié Batman, personnage auquel il a pu s’identifier par sa double personnalité. Si Jack Nicholson dans le rôle du Joker a directement été intégré par les fans, Michael Keaton a fait polémique : il n’était pas le Batman connu dans les comics, il allait détruire la légende. Personne n’en voulait mais Tim Burton ne voulait pas d’un macho bodybuildé, il le voulait, lui. Finalement, après ses dix premiers jours d’exploitation, Batman fut  le premier film à accumuler plus de 100 millions de dollars de recette. C’est le plus gros succès qu’a connu Warner Bros, merci Tim.

edward aux mains d'argent

Depuis sa plus tendre enfance, un personnage doté de ciseaux à la place des mains trotte dans la tête du réalisateur. Warner Bros, malgré l’immense phénomène qu’est devenu Batman, n’a pas suivi le projet. Burton se tourne alors vers 20th Century Fox. L’image l’ayant bercé toute sa jeunesse du personnage voulant toucher mais ne pouvant pas, victime d’une intolérance abritant l’Amérique et envahi par une envie enfouie d’autodestruction était à l’origine du film.  C’est en collaboration avec la jeune romancière Caroline Thompson, qu’ils donnèrent vie à Edward. On retrouve à nouveau dans le film la banlieue dotée de sa perversité ainsi que de son absence de culture, de passion et d’histoire. Sans être un film autobiographique, Tim voit le reflet de son adolescence à travers ce personnage. C’est également dans cet univers magique que le réalisateur rencontra sa perle rare, Johnny Depp. Et tout comme il existe des coups de foudre en amour, il existe des coups de foudre en amitié.

batman le défi

Après de longues hésitations, Burton décide de réaliser la suite de son plus grand succès : Batman. Si Tim appréciait particulièrement les comics de Batman, c’est parce que Batman, Catwoman, Pingouin, tous les personnages étaient complètement déjantés. Il voulait tellement accorder aux « méchants » leur importance méritée dans le film, que Batman apparaissait presque, selon les fans, au second plan. Il a passé la plupart de son temps à travailler la psychologique de ses personnages qui était selon lui l’essence même du film. La démarcation entre méchants et héros était beaucoup plus floue que dans le premier opus et cela amenait une douce réflexion sur le Bien et le Mal. Trop sombre selon la critique, ce deuxième volet rapporte 40% de moins que son prédécesseur.

etrange noel de mr jack

Souvenez-vous de ce squelette surnommé « Pumpkin King » qui, se lassant de la vie monotone qu’offre Halloween, part à l’aventure et découvre Noël. En rentrant dans son chez-soi, une terrible idée envahi le maître ultime de l’épouvante : fêter Noël dans la ville d’Halloween. Ce film d’animation est tiré d’un poème écrit par Tim Burton dans les années 80 quand il travaillait dans les studios Disney. A cette époque, il voulait plus que tout en faire un véritable projet sous n’importe quelle forme. Cependant, personne n’a été réellement intéressé et le projet a coulé. En 1990, le réalisateur revient sur cette ambition et apprend que Disney avait encore les droits dessus. Les studios sautent sur l’occasion, et soutiennent, cette fois, Burton dans cette voie. Le réalisateur est parfaitement conscient que si Jack voit le jour, c’est uniquement parce qu’il avait eu la chance de triompher avec ses précédents films. Cependant, Burton est ravi et s’émerveille une fois de plus devant l’animation image par image emplie d’énergie et lui provoquant l’effet d’une drogue. Malheureusement, son implication dans Batman Returns au même moment l’empêcha de réaliser son bijou. Il confia donc cette immense responsabilité au talentueux Henri Selick. Cependant, Tim était très présent, aussi bien sur le tournage dès qu’il le pouvait mais aussi en communiquant avec Selick sur les moindres décisions.

ed wood

Après avoir travaillé d’arrache-pied sur deux énormes projets, Burton ressent l’envie de faire un film plus modeste. La chance lui sourit quand les scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski lui font parvenir ainsi qu’à sa productrice quelques pages sur l’histoire d’Edward D. Wood Jr, réalisateur à la gloire posthume dont les films, par leur nullité, sont devenus extraordinairement cultes. Bien évidemment, Tim Burton est un inconditionnel fan et est par là très emballé par le projet. Il ne voulait pas seulement produire Ed Wood, il voulait le réaliser, à la grande joie des scénaristes. Burton aimait bien trop ce personnage incompris mais pourtant passionné. Tellement envahi par l’optimisme, cela en devient du délire. Le réalisateur se voyait en Edward, et assure que nous pouvons tous nous y voir. Après de maintes mésaventures avec Columbia Pictures, ce sont les studios Disney, les plus emballés, qui distribueront Ed Wood, un film tourné en noir et blanc. Ce fut le premier échec au box-office pour Tim Burton mais le film fut tout de même lauréat de deux oscars (meilleur second rôle et meilleurs maquillages).

mars attacks

Jonathan Gems, scénariste et auteur dramatique anglais était un proche de Tim Burton. En plein été 1994, il tombe sur un jeu complet de cartes collector Mars Attacks ! et Dinosaurs Attacks ! dans une « boutique souvenirs ». Il suffit de les montrer à Burton pour que celui-ci le prie d’écrire un scénario basé sur ces jeux de cartes. D’abord budgété à 280 millions de dollars, le scénario original était infaisable mais après avoir largement réduit le scénario, l’aventure pouvait commencer. Les soucoupes volantes envahirent assez vite les plus grandes villes du monde et ces êtres étrangers dotés d’intentions inconnues attaqueront, suite à un malentendu, la population. Le monde devra faire face à ces envahisseurs à l’humour bien trempé. Au départ, éternel amoureux de cette technique, Tim voulait que les martiens soient animés image par image. En dépit du nombre trop grand de personnages, il dut recourir à une innovation qu’il n’avait auparavant jamais utilisée : l’image de synthèse. Conquis, il précise néanmoins que cette technique doit être cadrée. On peut tout faire en image de synthèse, et le risque réside exactement là. La technologie ne doit pas devenir une hérésie.

sleepy hollow

Paradoxalement, Tim Burton n’avait encore jamais réalisé de film d’épouvante, qui était pourtant son genre préféré. Il lut le scénario de Sleepy Hollow et l’aima beaucoup. Il réalisera donc l’adaptation du roman The Legend of Sleepy Hollow, nouvelle de Washington Irving. Burton nous livrera dans son conte gothique l’histoire d’Ichabod Crane, envoyé dans une bourgade de la Nouvelle-Angleterre afin d’éclaircir un terrible mystère. En effet, une succession de cadavres décapités est retrouvée par les habitants. A peine arrivé, il tombera sous le charme envoutant de Katrina, interprétée avec merveille par la somptueuse Christina Ricci. Le décor brumeux nous fait voyager à l’intérieur même de l’imagination de Tim Burton.

la planete des singes

Redonner vie à la célèbre planète des singes était une idée qui flottait depuis presque dix ans sur la 20th Century Fox. Le scénariste Broyles tenait un concept assez familier que seul un cinéaste comme Tim Burton, pouvait pleinement assumer. Ce fut une grande frayeur pour le réalisateur de toucher à un grand classique qu’il avait adoré toute son enfance. La comparaison allait sans le moindre doute être faite et cela le faisait monter en pression. En réalisant que cela ne devait pas spécialement être un remake, mais juste une autre version, il retrouva une certaine sérénité. Plus expressifs que jamais, les singes ont réussi à être propulsés au sommet du box-office. Notons tout de même que c’est sur ce tournage que Tim Burton rencontra la sublime Helena Bonham Carter avec qui il formera le couple mythique d’Hollywood aussi bien personnellement que dans leur vie professionnelle, pendant treize ans.

big fish

Alors que Tim Burton venait de perdre son père, on comprend facilement pourquoi il a voulu réalisé Big Fish. L’histoire est celle d’Edward Bloom, racontant depuis toujours ses aventures avec une exagération hors norme. C’est cette manie à conter ses fables démesurées qui l’a éloigné de son fils, William. Alors qu’Edward est sous le point d’offrir son dernier soupir, son fils décide de renouer avec lui. L’aventure commence quand William accepte d’écouter les récits de son père mourant, pour enfin tenter de le comprendre. Dans un décor enchanteur et sous des musiques magistrales, Tim Burton nous livre un film authentiquement poignant. Il y a la réalité, il y a l’imaginaire. Il y a ce qui est en partie vrai, il y a ce qui est en partie faux. Il y a la triste existence et il y a les bonnes histoires.

charlie et la chocolaterie

L’histoire est tirée du deuxième livre pour enfants écrit par Roald Dahl. Son premier était James and the Giant Peach, qui avait d’ailleurs été produit au cinéma par Tim Burton. La fusion de ces deux esprits, portant le même regard à la fois sombre et gratifiant sur l’enfance, est indiscutablement la recette pour rentrer dans le cœur même de la magie et du merveilleux. L’intégralité des événements présents dans le film figurent dans le livre. Tous les ingrédients Burton sont réunis pour assouvir la gourmandise des fans. Soumis à leurs plus grandes tentations, les enfants devront en subir les terribles conséquences. Drôle, moral, émouvant, gourmand, Charlie and the Chocolate Factory est incomparable avec celui de Mel Stuart. Une chouette réussite de plus pour Tim Burton.

les noces funebres

Tim Burton a toujours l’obsession du stop motion et recherche activement un projet nécessitant cette technique. Les Noces funèbres viennent tout droit de la plume de Joe Ranft, développeur de scénario et également doubleur d’Igor dans L’Etrange Noël de Monsieur Jack. Avec un peu d’humour, un peu d’émotion, le triangle amoureux est né. Tim Burton, faisant de la mort une part intégrante de la vie, nous livre une représentation étonnante du monde vivant bien moins coloré que celui des morts. C’est la première fois que l’acteur, Johnny Depp, prêtait sa voix à un personnage d’animation. Tim Burton ne sait décidemment plus vivre sans lui. Moins musical que L’Etrange Noël de Monsieur Jack, le film est tout de même bercé par une douce émanation que seule la musique de Danny Elfman peut apporter.

sweeney todd

Le nom de Sweeney Todd a toujours fait vibrer l’Angleterre. Si pour certains il appartient à un véritable barbier et meurtrier en série du XIXème, il n’est également pour d’autres qu’un fantastique personnage de fiction à l’origine de nombreuses interprétations théâtrales ou cinématographiques. Lors d’une visite à Londres, Tim Burton vit une adaptation en comédie musicale de Stephen Sondheim. Ravi et émerveillé devant l’horreur accompagné d’une partition superbe, il décide d’en faire une adaptation au cinéma : Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street. Burton s’est toujours senti proche des personnages principaux de ses films, mais avec Sweeney, il y avait une véritable fusion. Sa folie explicable, son âme torturée et son esprit hantés par ses vieux démons font de lui un homme intériorisant d’infinies émotions dans un silence morbide. Tim a d’ailleurs dit à son acolyte Johnny que s’il avait été acteur, le rôle de sa vie aurait été celui du barbier. Le couple formé par Sweeney et Mrs Lovett est d’une tristesse accablante, d’une perversion sans nom mais pourtant d’une émotion si forte. Tout en musique rythmée par quelques gouttes de sang, le film traite des relations humaines avec réussite.

alice in wonderland

On pourrait presque croire que le Pays des merveilles ait été créé de toute pièce par Tim Burton. Ce monde régné par une horrible reine où l’accumulation de couleurs en devient presque effrayante et où les personnages sont tous complètement déjantés était parfait pour le réalisateur au style bien tranché. En ajoutant un peu de noirceur, il redonna vie à la petite Alice, dix-neuf ans plus tard ! Celle-ci retourne dans le monde merveilleux visité quand elle était enfant et décide de mettre une bonne fois pour toute fin au règne tyrannique mené par la Reine Rouge. Avec un casting de folie et un univers de toute beauté qui tient ses promesses, Alice in Wonderland n’obtient tout de même pas l’unanimité. Est-ce l’influence de Disney qui s’est fait trop ressentir ? Ou peut-être un public déçu par un Tim Burton non pas charmé par le pays des merveilles, mais par le pays d’Hollywood…

dark shadows

Tim Burton a tenté de revisiter un feuilleton gothique culte de la télévision américaine. Avec une ambiance typique burtonienne, un style « gothique kitsch » et un casting fidèle au réalisateur, nous faisons la rencontre d’une famille complètement déjantée. Devenu vampire malgré lui deux siècles auparavant, Barnabas est enfin libéré de sa tombe et débarque en 1972 dans un monde qui lui est complètement étranger. Rythmé par  la musique de Danny Elfman qui est toujours un véritable plaisir, nous pourrons suivre Barnabas, interprété excellemment par Johnny Depp, dans ses aventures. On en oublie presque les autres personnages, qui, pourtant, valent le coup. Etonnement drôle, Dark Shadows reste un divertissement honorable. Cependant, on pense un peu trop à La Famille Addams, qui eux, ont réussi le pari avec perfection.

frankenweenie

Burton aurait-il été soudainement envahi par la nostalgie ? Dans tous les cas, il décide de faire une nouvelle version de son long-métrage original de 1984. Evidemment en stop motion, il reste fidèle à son bébé de l’époque. Dans un noir et blanc majestueux, Frankenweenie, à la fois sombre et tendre, fait une fois de plus un doux hommage aux monstres ayant partagé l’enfance de son créateur. Malgré qu’il soit produit par Disney, c’est maintenant Tim le chef. Le noir et blanc, la monstruosité et l’univers chimérique est contraire au monde de Mickey et ses amis. Complètement anti-Disney, ce film d’animation fait plaisir aux fans qui ont l’impression de retrouver une partie de leur Burton, mort dans les années 2000…

big eyes

Avez-vous déjà entendu parler des Keane ? Ce couple s’est fait connaître par leur terrible imposture dans le monde intransigeant et éternel de l’art. Walter Keane, au début des années 60, est devenu une star à part entière grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants tristes aux yeux exorbitants. Cependant, la vérité remonte toujours à la surface et « ses tableaux » n’étaient autres que ceux de sa femme, Margaret. Cette histoire ayant dupé le monde entier a fortement attiré notre réalisateur, Tim Burton. Il n’avait plus réalisé d’« histoire vraie » depuis Ed Wood, scénarisé par Scott Alexander et Larry Karaszewski. Il a donc automatiquement contacté ces scénaristes, passionnés de biopic Avec un budget réduit pour le réalisateur (10 millions de dollars contre 150 millions pour Dark Shadows), il décide en particulier de pointer le doigt sur cette pauvre femme dont l’histoire vaut le détour. Fragile, seule et d’une naïveté poignante, elle se laisse endoctriner par un homme aux actions inhumaines… En gage de remerciement, Margaret Keane a offert à Tim Burton deux toiles, un portrait d’Helena Bonham Carter et un de son chihuahua. Par l’ambiance colorée, les tons pastel et les robes évasées, on retrouve un peu la magie de Edward aux mains d’argent.

En quelques mots : quand on est Tim Burton, le public attend du Tim Burton. Dans ce cas-là, on est obligé de faire du Tim Burton. Son inspiration de génie et son imagination magistrale ont laissé une grande place au superficiel et à un style formaté. Il est injuste de dire qu’il a perdu de son talent, il l’a juste usé.

A propos Tatiana Horbaczewski 8 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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