Entretien avec Ers & Dugomier pour Les Enfants de la Résistance

À l’occasion de la sortie du premier tome de leur nouvelle série intitulée Les Enfants de la Résistance : Premières actions, paru chez Le Lombard, nous avons été à la rencontre de Benoît Ers (dessins, couleurs) et Vincent Dugomier (scénario), histoire d’en savoir un petit peu plus sur leur nouveau projet.

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Tout d’abord, racontez-nous la manière dont vous vous êtes rencontrés, et ce qui vous a amené à travailler ensemble.

Vincent : Nous nous sommes rencontrés à la toute fin des années 80 ou au début des années 90. Je crois que c’est le cousin de Benoît qui nous a mis en contact. On a d’abord fait ensemble de l’animation pour Spirou, on a réalisé quelques planches pour Marsu Production, mais l’album n’a jamais vu le jour ailleurs que dans la presse ! Aujourd’hui, on voit ces débuts comme des œuvres de jeunesse, c’est de la préhistoire. Notre première sortie importante date de 1995 avec Muriel et Boulon.

Avez-vous, avec le temps, acquis une méthode de travail ou bien êtes-vous plutôt du genre à systématiquement renouveler votre approche ?

Vincent : On se connaît tellement bien qu’on peut marcher sur nos habitudes. On a une relation de réelle amitié donc on sait d’avance comment l’autre réagira aux nouvelles propositions. Mais en même temps, individuellement, on se remet chaque fois en question. Sans réinventer le genre de la BD, Benoît a dessiné et mis en couleur cet album différemment que les précédents, et moi je l’ai raconté différemment aussi, donc on a quand même une petite remise en question. Ce qui a surtout changé notre manière de travailler, c’est l’arrivée d’internet. Avant, il fallait qu’on se voie beaucoup plus.

Benoît : Je me souviens encore de l’époque où on communiquait par fax et par téléphone, en économisant la voix car les minutes étaient chères ! Aujourd’hui on se connaît si bien qu’il est rare que l’on ait quelque chose à redire sur le travail de l’autre, sauf de petits détails. On se concerte surtout lorsqu’on met en place de nouveaux projets. On met en commun toutes nos idées et on fonde l’univers ensemble. Et puisque nous sommes amis avant tout, ces séances de brainstorming sont aussi de bonnes occasions de se voir, histoire de passer du bon temps ensemble.

Abordons à présent votre nouvel album. Comment vous est venue l’idée de travailler sur le thème de la seconde guerre mondiale ?

Benoît : J’ai toujours apprécié cette période, et Vincent le savait. Je n’avais encore jamais travaillé sur ce thème parce que le côté uniforme et combats ne m’intéresse pas plus que ça. Un jour, Vincent m’a dit que j’avais ce centre d’intérêt là et que ça valait la peine de l’exploiter, qu’il suffisait d’aborder la question d’un point de vue des civils. Alors je me suis dit « mais oui c’est évident ! ». Et c’est parti comme ça.

Vincent : Oui exactement, on ne voulait pas raconter une histoire dans une troupe avec des soldats, une histoire purement de guerre. On ne le sentait pas. Et puis en discutant, on s’est aperçu qu’on avait tous les deux un grand parent résistant, c’est de cette manière que le thème s’est imposé à nous. On savait déjà, d’emblée, qu’on voulait faire une histoire sur des enfants durant la guerre, mais à ce moment on s’est dit que ce ne serait pas mal que ces enfants fassent de la résistance. On raconte la véritable histoire de la résistance mais au travers d’enfants, de manière à mêler le côté fictif et le côté historique.

Votre récit est-il fort documenté ?

Vincent : Comme je le disais, étant donné que nos proches ont vécu le conflit, on a beaucoup baigné dans les histoires familiales sur le sujet, les souvenirs de chacun. Et d’autre part comme Benoît s’intéressait déjà au sujet depuis longtemps au sujet, il s’y connaissait déjà bien.

Benoît : Disons que la partie la plus compliquée fut de dénicher des documents sur la manière dont la résistance est née en France. Il y a peu de sources à ce propos, très peu d’études. Pratiquement personne ne parle de ça.

Le livre est avant tout adressé aux enfants. Étiez-vous animés d’une volonté pédagogique ?

Benoît : Oui oui, clairement. Ce n’était pas l’idée de base mais on s’est vite aperçu que le thème était à la fois riche et pointu, qu’il fallait être très prudent au niveau du ressenti et de la susceptibilité du public, d’autant plus que les derniers résistants sont en train de disparaître… On ne pouvait donc pas raconter tout et n’importe quoi, d’où l’importance de la documentation. Sur ce sujet, les adultes comme les enfants s’y connaissent très peu, voire pas du tout. Il y avait tant de choses à raconter à raconter à propos de la résistance en France qu’on a fini par se dire : racontons-les nom d’une pipe ! C’est ainsi cette BD est aussi devenue l’occasion d’explorer ce pan méconnu de la deuxième guerre mondiale.

Vincent : On ne voulait pas faire de confusion entre Allemands et nazis. On ne voulait pas non plus faire une histoire qui oppose les gentils aux méchants : il y a un combat idéologique et c’est très important de l’expliquer aux enfants, d’où l’enjeu didactique. Les enfants de la résistance ne se veut pas un livre manichéen et plusieurs personnages, plusieurs épisodes sont là pour nous le rappeler.

Cet album est-il le premier d’une longue série ?

Vincent : Il y aura trois albums minimum, mais Benoît et moi aimerions bien en réaliser au moins cinq ou six ! Maintenant on verra bien si ce sera réalisable, c’est toujours un petit peu le marché qui décide. Mais en tout cas, on ne se tracasse pas, on a confiance en notre projet.

Benoît : Ce qui est sûr, c’est qu’avec toutes nos idées, il y a de quoi remplir facilement dix-huit albums ! La richesse du sujet est inouïe.

Vincent : Et les personnages grandiront au fil des albums. Dans le prochain, ils atteindront déjà leurs quatorze ans. L’époque évoluera aussi, puisqu’en parallèle on raconte l’histoire de la seconde guerre mondiale. À la fin du conflit, nos héros auront dix-huit ans, leur moyen d’action va augmenter. Pourquoi ne pas les faire intégrer les forces françaises de l’intérieur ?

Vous ne le savez pas vous-même ?

Vincent : Non on est libre, on verra comment les choses évolueront, cela se fera de façon naturelle.

Benoît : Disons que dans tous nos projets, il y a une histoire de fond qui est construite. Les personnages ont leur caractère et c’est l’histoire qui guide les personnages, qui les fait évoluer par eux-mêmes, en quelque sorte. Ici bien sûr, c’est l’Histoire avec un grand H qui sert de fil conducteur, donc nos personnages sont d’autant plus libres de leur évolution.

D’autres projets pour l’avenir ?

Vincent : Bien sûr, mais on y bosse peu ces temps-ci car le projet des Enfants de la Résistance nous prend beaucoup de temps et d’implication. Rien de très précis en tout cas, affaire à suivre !

Propos recueillis par Ivan Sculier

A propos Ivan Sculier 67 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

1 Commentaire

  1. Passionné d’histoire et particulièrement de la période 1936 | 1945 , j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les 5 volumes achetés hier. Je voulais m’assurer de leur qualité historique avant d’en recommander la lecture à ma petite fille.
    Quelques points ne sont pas suffisamment exposés : –
    -la Blitzkrieg avec l’usage massif des chars ( concept de De Gaulle dans le fil de L’épée non pris en compte par l’état major français, mais intégré par les stratèges de la Wehrmacht )
    – les combats de Dunkerque et le sauvetage des troupes anglaises et françaises par l’opération Dynamo
    – bien qu’il soit question Alsace et Lorraine cette assertion est fausse car ce sont les 2 départements alsaciens et la Moselle qui furent annexés et sous la coupe de 2 Gauleiter nazis, Une résistance s’y était également développée mais bien plus réduite et encore plus risquée que dans les autres zones, car c’était la nazification que subissaient les alsaciens et les mosellans. Si le STO fut développé par Laval, les nazis avaient à partir de 1942 rendu obligatoires le service dans l’armée du 3 éme Reich pour 150 000 jeunes, les Malgré-nous qui furent pour la grande majorité expédiée sur les fronts russes avec 80 % de pertes, ceux qui s’échappaient étaient envoyés avec leur famille au Camp de concentration du Struthof en Alsace. Pour beaucoup de Français il y eu une confusion après guerre avec la LVF dont vous parlez avec justesse

    Transmettez mes sincères félicitations et j’attends la suite en BD car l’histoire est connue

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