Entre ici et ailleurs

vanyda

Scénario & dessin : Vanyda
Editions : Dargaud
Sortie : 29 janvier 2016
Genre : Franco-belge

Vanyda, l’auteur de l’Immeuble d’en face, revient avec un récit où ses thèmes habituels – la vie quotidienne, la jeunesse, les relations amoureuses et amicales, la recherche de ses propres choix – se combinent à l’exploration d’une autre question, abordée auparavant dans un court récit (intégré à l’album collectif Corée, paru en 2006), celle de l’identité métisse.

Après s’être séparée de son compagnon avec qui elle a vécu une longue relation, Coralie, vingt-huit ans, est prête à prendre un nouveau départ. Pleine de volonté, elle commence par s’inscrire à la capoeira, où elle rencontre Kamel. L’amitié qui se noue entre ce fils d’Algériens et Coralie, fille d’une mère française et d’un père laotien, est l’occasion pour chacun d’eux de partager leurs questionnements sur les origines et de confronter leurs rapports ambigus aux racines et aux cultures lointaines de leurs parents. Et, surtout, de trouver dans l’écoute bienveillante de l’autre, la place pour se raconter soi-même, enfant d’ici, imprégné d’ailleurs.

De plus en plus centrée, à mesure qu’on avance, sur l’amitié naissante entre Coralie et Kamel, nouée au fil des échanges dans la camionnette de Kamel après l’entraînement, la BD n’en est pas moins marquée par le goût de Vanyda pour la peinture de la vie au quotidien, des instants de solitude et des rencontres, des micro-apprentissages et des moments presque banals où se tissent les relations. Ainsi, on y suit les flirts de Coralie, ses progrès en capoeira, les parties de jeux vidéo avec son frère, les discussions de cafétéria avec les collègues. Comme souvent, Vanyda, dans sa veine manga hyper réaliste et ses cadrages cinématographiques, capte avec justesse ces petits riens. Les personnages sont sympathiques et attachants, l’atmosphère très évocatrice, et on savoure avec plaisir le cheminement post-rupture de Coralie, entre grand enthousiasme et petites déceptions. Cette fille spontanée et rieuse, un peu fragile et maladroite, on en ferait bien sa copine, et on se réjouit de la voir reprendre goût à la vie à travers ses multiples découvertes, des arts martiaux brésiliens au nouveau pote.

 Malheureusement, la partie axée sur la réflexion identitaire est bien moins réussie. Si l’amitié avec Kamel retient d’abord tout notre intérêt, elle apparaît surtout comme le simple support d’une réflexion sur le métissage, parfois empreinte de platitudes ou de clichés, où le naturel de Vanyda cède le pas à une démonstration qui ne va pas très loin. On comprend fort bien que l’auteur, elle-même franco-laotienne, et qui s’est ici inspirée de son expérience, souhaitait aborder cette question. Mais les trop longs bavardages et les discours trop généraux, hélas, dissolvent son talent, qui ne se révèle jamais autant que lorsqu’elle s’attache au très particulier, au micro-local, saisissant le relâchement des corps au seuil du sommeil, les conversations de soirée dans un couloir, l’élan qui nous pousse, les soirs d’hiver, vers les cafés où l’on a rendez-vous.

A propos Emilie Garcia Guillen 113 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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