En attendant les barbares au National

Création de Hedi et Ali Thabet, avec Artemis Stavrii, Patrizia Bovi, Medhi Ayecho, Sofyann Ben youssef, Nidhal YahYahoui

Du 13 au 17 octobre 2015 au Théâtre National

En attendant les barbares ou comment parler au théâtre de ces milliers de morts anonymes, ces corps sans nom, échoués sur les plages européennes? Telle est la question que pose ce spectacle qui, plus qu’un cri, semble être une sorte cérémonie funéraire qui “endeuille” les migrants échoués sur l’île de Lampedusa. Ce spectacle n’en est donc pas un, c’est plutôt un hommage, un temps de recueillement. Un arrêt dont on a besoin dans ce brouhaha confus, une sorte de silence dans le vacarme. Un pause bienfaisante au Théâtre National, pour endeuiller collectivement une catastrophe humaine sans nom. Une halte sur la plage de Lampedusa pour remettre certaines choses à leur place et pouvoir déposer toute cette émotion contenue en nous autour de ce sujet brulant et brutal.

Mettant du sens plutôt que du “sensationnel” la scène théâtrale devient ici l’endroit où l’humanité peut s’exprimer. On assiste a une danse, une musique, une mosaïque de différentes influences (sciciliennes, grecques, arabes) qui mettent en effet un peu d’humanité sur la figure fantasmée du migrant. Cette figure qui pour certains reste encore celle du “profiteur”, du “faux demandeur d’asile”, du “réfugié analphabète”, l’« Arabe terroriste” voir du “mort anonyme qui flotte dans l’eau”…

La plage devient alors ce cimetière sur lequel on échoue directement et le rivage européen la catacombe de l’Asie. Ainsi des “morts-vivants” chantent et jouent aux cartes, dansent et se regroupent sur cette plage qui devient le refuge où l’on trouve un peu de chaleur avec ses semblables mais où rien ne se passe… Rien! Alors que des milliers de personnes y meurent chaque jours et qu’il faudrait pourtant agir. Mais ces “morts-vivants” sont aussi aussi le reflet de cette révolution perdue qui a débuté en Tunisie et qui n’aura pas les effets multiplicateurs et libérateurs attendus. Un élan ensablé sur une plage triste…

Un personnage récurent va et vient de la scène à l’écran, de la fiction à la réalité. Un personnage dont on ne comprend pas toujours le rôle, ni la provenance mais dont on se dit qu’il doit faire le lien entre les deux continents. Il traverse la mer pour faire le pont entre les deux mondes. Il est à la fois l’homme et la femme, il est à la fois l’étranger et l’autochtone. Il est eux et nous. Il est le réel et l’imaginaire. Avec son allure guindée, il est aussi cet européen qui ne sait plus, qui est perdu et qui chavire. Mais il est également le peuple grec à l’origine du fondement même de la “pensée européenne” qui se débat dans ses propres méandres.

Un étrange spectacle donc, entre poésie et condensé d’émotions, sur un sujet qui prend aux tripes et qui donne envie de crier. Un spectacle qui donne la sensation de n’être pas totalement abouti mais qui a le mérite de faire réfléchir et d’exorciser certaines de nos émotions.

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