Donbass, une virée éprouvante dans un conflit surréaliste et violent

Donbass
de Sergei Loznitsa
Drame
Avec Tamara Yatsenko, Liudmila Smorodina, Boris Kamorzin
Sorti le 30 janvier 2019

Donbass nous ouvre les yeux sur la réalité d’un conflit armé actuel et complètement absurde. Voilà un film difficile à regarder mais à l’effet d’électrochoc nécessaire. Une fois encore, la fiction permet de dénoncer la bêtise humaine dans ce qu’elle a de plus bestial et cruel. La caméra embarquée, l’absence d’explications et les paysages de bout du monde font de ce long métrage un périple glacial et inhumain.

Le Donbass est une région à l’est de l’Ukraine où sévit un conflit armé entre milices séparatistes, entre les pro-russes qui ont autoproclamé et contrôlent ce territoire et les forces gouvernementales ukrainiennes qui tentent de le récupérer. S’aventurer dans le Donbass, c’est s’exposer à un danger omniprésent et à une haine entretenue par la propagande de régimes corrompus aux extrêmes.

Sergeï Loznitsa peint une fresque à l’aide de mini histoires n’ayant pas toujours de lien entre elles. Bien que certains épisodes soient proches de l’univers burlesque d’Emir Kusturica, Donbass est loin d’être une farce. En effet, la rencontre entre des soldats ukrainiens et des journalistes allemands ou encore le mariage grotesque dans une mairie font sourire mais attention, on rit jaune car tout est laid et aucun espoir ne semble possible. Et c’est ça qui fait froid dans le dos. On aurait espéré un drame quasi comique proche de No Man’s Land (Danis Tanovic) mais nous n’y sommes pas du tout. Le réalisateur de Joy, Dans la brume et Une femme douce dénonce l’emprise russe que subit son pays. Le Donbass est une zone de guerre entre armées mais aussi entre civils. Ici, aucune entraide entre citoyens. Les hommes et les femmes ont été complètement formatés par un côté ou l’autre, laissant place à une haine ignoble réciproque. C’est par exemple le cas de la scène du lynchage public d’un soi-disant dissident, qui est particulièrement dure.

Un film éclaté

Tout commence par la préparation d’un tournage, le maquillage de comédiens et figurants, qui, dirigés par des soldats armés, sont engagés pour livrer de faux témoignages aux journalistes, à la suite d’un attentat qui vient d’avoir lieu. Le vrai et le faux ne font qu’un, tout est flou et manipulé par les milices en place. Mais contrairement à ce qu’on imagine, on ne suit pas l’équipe de tournage dans la suite du film, on ne les retrouve que pour la scène finale, abominable. Donbass a donc l’aspect d’une mosaïque, le réalisateur nous lâche dans ce territoire hostile sans explications, sans continuité, à tel point qu’on ne comprend pas toujours de quel côté on se situe. Seules la guerre et la cruauté font office de fil rouge. Il y mélange fiction et documentaire, scènes kafkaïennes et morbides pour dénoncer une propagande, une violence collective, des comportements arbitraires, bref, une région où seuls règnent chaos et désespoir.

Vous l’aurez compris, on ne va pas voir Donbass pour passer un bon moment mais pour découvrir, la boule au ventre, une réalité actuelle complexe dont on parle peu et qu’on ne soupçonnait pas.

A propos Déborah Neusy 27 Articles
Journaliste du Suricate Magazine