Coup de cœur du KunstenFestival avec Tù amarás de la compagnie Bonobo

Mise en scène de Andreina Olivar et Pablo Manzi avec Gabriel Cañas, Carlos Donoso, Paulina Giglio, Guilherme Sepúlveda et Franco Toledo au Théâtre des Tanneurs du 18 au 22 mai.

A l’occasion du Kunstenfestival, la compagnie chilienne Bonobo présente sa pièce Tú amarás au théâtre des Tanneurs du 18 au 22 mai.

Le récit commence sur un prélude entre un indigène et deux colonisateurs espagnols. Tout de suite, le thème de la ségrégation est donné sur un ton à la fois burlesque et incisif. Nous retrouvons la même situation plusieurs siècles après, dans une société futuriste. Ce sont cette fois-ci les « amenitas » des supposés extraterrestres intégrés dans la société qui sont sujet à de nombreuses discriminations. Pour les combattre, cinq médecins se réunissent pour préparer une conférence sur la défense de cette population. Loin du politiquement correct, ils vont interroger sans détours d’où vient la peur de l’autre et comment on en vient à le rejeter. Ils partent de ce qu’ils nomment « el incomodo » (le malaise), ce moment où l’on suspecte quelqu’un de pouvoir nous mettre dans une mauvaise position, que ce soit en nous faisant du mal ou en reflétant quelque chose que l’on refuse de voir. L’autre est toujours notre miroir, c’est celui qui nous fait exister en nous regardant. Quand est-ce qu’il devient notre ennemi ?

Sans jamais tomber dans le stéréotype ou dans la morale, les comédiens constatent et remettent sans cesse en question. Aucun jugement n’est porté, il faut pouvoir tout entendre pour tenter d’exorciser la haine en l’explorant dans le moindre de ses travers. La pièce fait preuve d’une véritable empathie pour l’homme sans nier sa violence. La bienveillance et l’égoïsme se heurtent. Grâce à une écriture de plateau riche d’improvisations, les dramaturges Pablo Manzi et Andreina Olivari ont écrit et construit un univers original. Nous ressentons cette recherche constante qui permet aux comédiens d’incarner avec humilité des dialogues percutants. Chaque personnage est dessiné dans sa propre individualité. Les émotions sont traversées jusqu’à l’absurde : la peur, la haine de soi, la solitude, le rejet… Comprendre comment chacune de ces douleurs distancie un peu plus les hommes entre eux et attise la méfiance. Le rire apparait tout le long comme un leitmotiv faisant résonner l’absurdité de la violence et notre impuissance face à elle.

Tú amarás pousse le spectateur à s’interroger et à faire preuve d’empathie mais sans ménagement. Elle réussit à dénoncer les maux sociétaux tout en traduisant les émotions d’une précision déroutante grâce à un humour impitoyable. A l’aide d’un jeu engagé et d’un texte lucide, la compagnie Bonobo nous offre une pièce percutante et nécessaire.

A propos Luna Luz Deshayes 29 Articles
Journaliste du Suricate Magazine