Constance : « La scène, c’est l’école de l’humilité »

Propulsée sur le devant de la scène en 2010 grâce à l’émission On n’demande qu’à en rire de Laurent Ruquier, Constance est devenue aujourd’hui une figure incontournable de la scène hexagonale. Adepte de l’humour noir voire provocateur, l’humoriste française dévoile un numéro d’équilibriste verbal époustouflant à chacune de ses apparitions.

Les 23 et 24 novembre prochains, Constance sera à Bruxelles pour présenter son spectacle intitulé Pot-pourri, une macédoine de sketchs à la sauce caustique qui ravira le public du théâtre Le Fou Rire. Rencontre avec une artiste hors du commun.

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Quel a été votre parcours, de vos débuts à aujourd’hui ?

Quand j’ai commencé le théâtre, j’avais 8 ans et j’ai tout de suite su que je voulais faire comédienne, être sur scène. Je trouvais que c’était une ouverture vers l’absolu.  Sur scène, on peut être qui on veut, faire ce que l’on veut. Alors mes parents m’ont dit : « tu peux faire du théâtre en amateur, mais d’abord tu passes ton bac et après tu peux faire ce que tu veux ». Ensuite, je suis entrée au conservatoire d’art dramatique de Lille, où j’ai suivi une formation classique. Puis, quand je suis arrivée sur Paris, je me suis rendue compte que c’était un peu plus compliqué que prévu et que le monde ne m’attendait pas. J’étais hyper étonnée (rires), je me disais : « Et ben dis donc, il y a quelqu’un ? Je suis là ! ». Du coup, j’ai découvert le one man show, que j’ai trouvé hyper simple, dans le sens où on loue une petite salle – il y en plein à Paris -, je fais mes costumes, on se fait une petite affiche, on fait des scènes ouvertes, on commence à se développer, à écrire… Et les gens commencent à venir.

Les portes se sont ouvertes au fur et à mesure donc ?

Oui. Mais parfois, il y a des choses qui ne veulent pas fonctionner et on force, on force, on force et ça ne va pas, on se fait du mal. Il faut juste lâcher. Souvent, quand on se met à s’écouter plus et à lâcher prise, on trouve vraiment la bonne route.

Vous avez travaillé dans le théâtre, le cinéma, la télévision, la radio, qu’est-ce qui vous plaît le plus ? Dans quel milieu vous sentez-vous la plus à l’aise?

La scène. Je trouve ma place sur scène. Après, les autres c’est du bonus, ce sont des exercices différents, intéressants, mais la scène demeure mon élément naturel.

Y a-t-il un message en particulier que vous avez envie de transmettre à travers votre métier et dans votre rencontre avec les personnes ? Y a-t-il une valeur, un principe qui vous tient vraiment à coeur et que vous jugez important d’exprimer ?

La bienveillance. La bienveillance avec soi-même et avec les autres. A partir de là, on peut rire de tout et avancer ensemble.

Cette année, il y a eu un buzz vous concernant : lors de l’émission Par Jupiter !  sur France Inter. Vous avez tenu…

Un attentat mammaire !!! (rire)

Quelle était l’idée derrière le fait de mener une chronique les seins nus ?

C’était allier le fond et la forme. C’était un geste sain, sans mauvais jeu de mots, et c’était pour moi au service d’une vraie cause. Je trouve qu’on est de plus au plus puritains. Ils se passent des choses graves dans notre société, et on laisse faire. Je suis désolée, à une femme qui doit allaiter son enfant on lui dit de dégager parce que c’est dégueulasse, alors que tu vois une pét**e à côté avec un décolleté pas possible avec des faux seins siliconés et là, il n’y a pas de soucis ! En fait, la femme objet, il n’y a pas de problèmes pour vendre du shampooing, du papier toilette,… enfin n’importe quoi ! Mais après, pour revendiquer une liberté et de dire : « j’ai mon corps à porter, c’est le mien et je suis libre », là on ne peut pas.

Quelle a été la réaction des auditeurs/spectateurs ?

Je me suis prise des seaux de m**de sur la gueule, mais aussi des trucs extraordinaires. Moi, je retiens vraiment le positif, mais le négatif est à la fois intéressant et inquiétant.

Avez-vous tout de même reçu des réponses encourageantes…

Oh oui, énormément, et puis aussi des trucs très drôles. Je suis quand même suivie par la fédération française des nudistes. Donc, voilà, j’y suis ! Je me demande si je ne vais pas arrêter le métier, parce que j’ai atteint quand même un but (rire). Non, mais c’est intéressant leur mentalité, il y a quelque chose dans le fait de se sentir en paix par rapport au corps et arrêter de rendre sale tout et n’importe quoi. C’est ce que je disais dans ma chronique : dans l’Egypte Antique, les femmes se promenaient les seins nus, toutes les statues que tu vois dans les parcs, tous les tableaux… ils représentaient beaucoup la nudité. Qu’est-ce qui a fait qu’à un moment donné, on a du couvrir les corps et que ça devenait sale ? C’est la religion.

Ou plutôt l’interprétation, l’utilisation qu’on en fait…

Oui, c’est l’inquisition qui a commencé à dire aux artistes : « vous ne pouvez plus faire des statues nues, vous ne pouvez plus faire des tableaux avec des gens nus, c’est sale ». C’est terrible ! Ça engendre les pures perversions par après.

Parmi tous les projets que vous avez réalisé jusqu’à maintenant, quel est celui qui vous a le plus marqué ? Qui vous a peut-être demandé le plus de travail, mais qui vous a aussi donné le plus de bonheur ?

En fait, de manière générale, je m’investis complètement quand je suis sur un projet. Donc, mes spectacles, par exemple, je les aime tous de la même manière. Parce qu’un spectacle, c’est un peu comme un enfant : il y a une gestation, un accouchement et il y a le fait de le voir grandir. Ce serait très injuste de dire j’aime plus un enfant qu’un autre. Je les aime différemment. Après voilà, « Pot pourri » c’est mon bébé, c’est ce qui est en train de grandir et j’évolue avec, mais comme c’est en même temps un spectacle best of, il y a des anciens sketchs et des nouveaux. C’est donc un mélange de plein de choses. Il y aussi beaucoup de mon histoire dans ce spectacle. Cependant, je ne pourrais pas dire que j’aime plus un projet qu’un autre parce que les chroniques sur France Inter j’adore aussi, c’est un super challenge ! J’aime faire des choses différentes, ça casse la routine et on sort de sa zone de confort. Je trouve que les certitudes, c’est terrible, c’est la pire chose qui existe.

Lorsque vous montez sur scène, avez-vous l’impression d’entrer dans un personnage, ou vous laissez-vous être vous-même face au public ? Car c’est l’impression que vous donnez : vous vous adressez aux spectateurs comme s’ils étaient vos complices.

En fait, il y a beaucoup d’échange avec le public, heureusement. C’est le spectacle vivant. Il y a une sympathie fondamentale qui s’instaure et c’est ce qui fait que souvent, quand la mayonnaise prend, on se sent bien sur scène. Pourtant, ça ne prend pas toujours avec tout le monde. C’est une chimie qui est très fragile et très intéressante, parce que la scène c’est l’école de l’humilité. En effet, il faut reprendre à chaque fois à zéro. {…} Ce n’est jamais acquis et c’est cela qui est beau.

Est-ce qu’il vous arrive souvent d’improviser ?

Oh oui, parce que qui dit spectacle vivant dit public, dit réaction de ma part. Des fois, il peut m’arriver de bafouiller, d’avoir un trou de mémoire. Puis, il y a des réactions dans le public et il faut savoir rebondir.

Avez-vous toujours le trac avant de monter sur scène ?

Toujours, j’ai toujours le trac ! Et après la machine se met en route. Je pense que ne pas avoir le trac, c’est arrêter de douter et ce n’est jamais bon. Jacques Brel vomissait tout le temps avant de monter sur scène. Moi, je ne vais pas jusque là, mais je flippe complètement, je m’isole dans une petite bulle pour garder la concentration. C’est un trac qui est porteur.

Revenons à vos projets. J’imagine que vous avez fait plusieurs collaborations, quelle a été pour vous la plus enrichissante ?

Je n’arrive pas à classer les gens. C’est différent à chaque fois. Parfois, il y a des super moments, on apprend plein de choses. En fait, c’est un peu comme l’amour. C’est comme plein de petites histoires qu’on va vivre, des petits univers. Ça permet de nous construire, de nous diversifier… mais ce qu’il ne faut jamais perdre c’est son indépendance. Il faut garder sa liberté !

Y a-t-il des rêves que vous souhaitez réaliser dans un futur proche ?

J’ai du mal à me dire ça. Je ne vois pas les choses en grand, je ne suis pas hyper ambitieuse. Je préfères vivre au jour le jour. Ce qui serait terrible pour moi, ce serait de me trahir et de perdre ma liberté, je ne m’en remettrais pas. Je voudrais juste continuer à pouvoir vivre de ce que j’aime, dire ce que je pense et rencontrer plein de gens, voir plein d’endroits. C’est cela qui est magique. Je n’ai pas commencé ce métier en cherchant le succès et l’argent. Tout dépend de la manière dont on se pose. Si on le fait pour le succès, on risque de ne pas avoir de recul et donc de perdre sa propre personnalité, parce qu’on se laisse influencer par ce qui nous entoure. Ce que je cherche, c’est pouvoir dire ce que j’ai à dire, du coup je reste indépendante et j’avance avec maturité dans le chemin qui se présente à moi.

Constance sera au Fou Rire les 23 et 24 novembre 2018 avec son spectacle Pot-Pourri.

A propos Donata Vilardi 25 Articles
Journaliste du Suricate Magazine