Caméléon, ou la solitude du marionnettiste

De Jean Muno, adaptation scénique de Patrick Bonté, mise en scène de Daniela Bisconti, avec Nicolas Ossowski. Du 15 au 29 septembre au Théâtre Riches Claires.

Dans Caméléon, Nicolas Ossoswski, seul sur scène, campe un homme sans nom, lancé dans un dialogue sans réponse qui se transforme rapidement en monologue éclaté. Par ce biais, plusieurs personnages sont introduits, permettant à l’acteur de passer de l’un à l’autre selon une logique qui lui semble propre et qui donne  parfois l’impression de relever de l’association d’idée. Cependant, la pièce ne s’éparpille pas, et chaque nouvel élément trouve finalement sa place dans une oscillation constante entre moments tristes, inquiétants, grinçants, ou parfois drôles. C’est cette insaisissabilité apparente qui apporte sa principale force au spectacle, en en sous-tendant l’entièreté d’une tension sourde.

En effet, une grande partie du mystère de la pièce réside dans la personnalité de son personnage principal, relayé par le jeu impliqué de Nicolas Ossowski. Qui est cet homme ? À qui parle-t-il ? Et surtout, que symbolisent les nombreux mannequins en plastique partiellement montés qui l’entourent et avec lesquels l’acteur ne va cesser de jouer ? Sont-ce là les symboles de morceaux de cadavres (l’idée pourrait être renforcée par une ambiance plus ou moins inquiétante, à la lisière du fantastique) où ne servent-ils qu’à illustrer différents protagonistes ? Si la réponse se fera plus ou moins sentir au fur et à mesure de l’avancement de Caméléon, ils mettent surtout en lumière l’isolement, qu’il soit physique ou mental, de l’homme qui les fait vivre avec intensité, en passant d’une outrance plus ou moins maitrisée à une réelle justesse en l’espace de quelques secondes.

À l’image de la pièce, qui se rapproprie des passages de différents livres de Jean Muno, le personnage principal compose un patchwork de fragments de vies qui pourraient ne pas lui appartenir, mais qui tendent tous à faire ressortir son malêtre. De quoi générer une légère impression de malaise, relayée par l’éclairage, qui alterne entre lumière vive et ambiance plus tamisée et crée une proximité intimiste avec le spectateur. Si l’on ajoute à cela la mise en scène efficace et inventive de Daniela Bisconti, couplée au texte vif adapté par Patrick Bonté, il n’en faut pas plus pour permettre à Caméléon de porter un regard à la fois sombre et empreint d’une certaine justesse sur une humanité rongée par la solitude.

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