Beyond Klimt : un nouveau regard sur les peintres avant-gardistes de l’ancien empire austro-hongrois

À l’occasion de la troisième présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne et du centenaire de la république d’Autriche, BOZAR présente les œuvres des grands maîtres d’Europe centrale durant la période 1914-1938. Une exposition clé sur une époque charnière où l’art a vécu de grands bouleversements.

Beyond Klimt n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser, dédié à l’artiste autrichien le plus célèbre de son temps. Bien qu’il en soit le point de départ, l’exposition retrace le parcours des peintres d’Europe centrale qui ont été marqués par la première guerre mondiale et le démantèlement de l’Empire austro-hongrois. Des États nations sont créés, des démocraties se transforment peu à peu en dictatures… autant d’évènements historiques et politiques qui vont influencer et modifier irrémédiablement leur ligne culturelle.

De la Sécession viennoise à l’expressionisme

À la fin du XIXe siècle, l’Autriche voit émerger un art nouveau sous l’impulsion du peintre et décorateur Gustav Klimt qui créé la Sécession viennoise. Ce courant, encouragé par l’essor de la psychanalyse de Sigmund Freud, oppose une nouvelle expression artistique en rupture avec l’art académique des anciens. Peintre de la femme et de l’érotisme, Klimt sera l’artiste symboliste le plus célèbre mais il se fera dépasser par ses élèves qui créeront à leur tour l’expressionisme. Plongé dans son univers idyllique, Klimt se retire à la campagne au début de la première guerre et meurt en 1918.

The Power of Music, tableau d'Oskar Kokoschk
Oskar Kokoschk, Le pouvoir de la musique, 1918

Durant la première guerre mondiale, certains artistes rejoignent le front, s’engagent comme reporters au service presse de l’armée ou poursuivent leur art. D’autres encore disparaissent. Mais tous seront marqués d’une manière ou d’une autre par les horreurs du conflit et l’exprimeront dans leurs œuvres. C’est sur ces artistes d’Europe centrale ayant évolué durant l’entre-deux guerres que le Palais des Beaux-Arts et le Belvédère de Vienne ont voulu orienter cette exposition. Bien que de nombreuses toiles aient été détruites par le régime nazi notamment, on peut encore y découvrir des peintres autrichiens, hongrois et tchèques, tels que Oskar Kokoscka, Egon Schiele, Alfons Mucha, Koloman Moser, Janos Matthis Teutsch, Marie-Louise von Motesiczky et bien d’autres.

Robert Angerhofer, Le soldat mort dans du fil de fer barbelé, 1920
Robert Angerhofer, Le soldat mort dans du fil de fer barbelé, 1920

Vers une quête identitaire

La fin de la guerre et la création de nouveaux États nations plongent le monde artistique européen dans l’incertitude. Les décès de Gustav Klimt, Egon Schiele, Koloman Moser et Otto Wagner en 1918 signent aussi la fin d’une ère, ce qui pousse leurs héritiers dans de grands questionnements identitaires. Certains poursuivent leurs travaux, d’autre essayent de se faire connaître sur la scène internationale, en échangeant avec des artistes étrangers et en s’expatriant en Russie ou à Paris. Ces diverses rencontres et influences créeront de grands mouvements d’avant-garde tels que le surréalisme, le constructivisme, le néoréalisme ou le Bauhaus, qui sont représentés à BOZAR par les toiles d’artistes phares tels que László Moholy-Nagy, František Kupka, Jenö Barcsay et bien d’autres.

František Kupka, L’acier boit, 1927
František Kupka, L’acier boit, 1927

Klimt en réalité virtuelle : au-delà de l’œuvre, un rêve

Cerise sur le gâteau de cette exposition, l’installation en réalité virtuelle, Klimt’s Magic Garden, créée par l’artiste Frederick Baker, propose aux visiteurs de s’immerger dans l’univers en trois dimensions de Gustav Klimt. Pour ce faire, il s’est inspiré du célèbre triptyque en mosaïque créé par le peintre pour le Palais Stocklet à Bruxelles et a travaillé pendant neuf mois avec deux collaborateurs pour créer cet espace plein de possibilités. Pendant cinq minutes, muni d’un casque, on est invité à se promener virtuellement le long des chemins de ce paradis où rien n’est fixe et tout se déforme. On pourrait y rester des heures pour en observer les moindres détails, mais l’objectif de cette expérience est d’atteindre le château, accomplissement ultime de ce rêve psychédélique.

Beyond Klimt raconte, d’un point de vue artistique, une page de l’histoire sombre et complexe de l’Europe. Sans imposer, elle apporte un certain regard, qui plonge le visiteur dans le questionnement et l’incertitude. La visite guidée est fortement recommandée.

Beyond Klimt, c’est à BOZAR à Bruxelles jusqu’au 20 janvier 2019. D’autres événements musicaux et cinématographiques mettront l’Autriche à l’honneur à BOZAR jusqu’à la fin de sa présidence européenne en décembre.

A propos Déborah Neusy 27 Articles
Journaliste du Suricate Magazine