At Eternity’s Gate : La folie en images

At Eternity’s Gate
de Julian Schnabel
Biopic, Drame
Avec Willem Dafoe, Rupert Friend, Oscar Isaac
Sorti le 24 avril 2019

Il n’y a pas à dire, Van Gogh à la cote ! Que ce soit sous forme d’expositions, de films, de musiques ou encore de bandes dessinées, le destin de ce peintre déchu semble passionner les foules et de nombreux artistes plus contemporains – Manu Larcenet ou encore Jean Ferrat pour ne citer qu’eux – se sont intéressés à cette figure du postimpressionnisme. D’ailleurs, on ne compte plus les films déjà réalisés à son sujet dont le plus récent est cet impressionnant biopic animé Loving Vincent, sorti en 2017.

Mais ce pauvre Vincent serait bien étonné de voir le succès dont il profite aujourd’hui, lui qui de son vivant n’a jamais connu que l’infortune. C’est d’ailleurs d’un Van Gogh misérable dont nous parle Julian Schnabel (Basquiat, le scaphandre et le papillon,…) dans At Eternity’s Gate : celui qui, après un court séjour à Arles, sera interné à l’asile de Saint Rémy, pour cause de schizophrénie. C’est une histoire déjà mille fois racontée que celle de Van Gogh, pauvre peintre fou qui manque de reconnaissance, et pourtant Julian Schnabel parvient à lui donner une dimension nouvelle.

Dans At Eternity’s Gate, l’accent est mis sur l’imaginaire de l’artiste. C’est un film qui s’éloigne du schéma traditionnel du biopic et plonge le spectateur au plus près du regard unique et fou de Van Gogh grâce à un entrelacs de scènes filmées caméra à la main et un jeu sur la tonalité et la couleur de l’image – le tout ponctué par des moments de noir qui symbolisent les absences du peintre. Et ce travail sur l’image, appuyé par le dialogue, est une manière pour le réalisateur – qui est aussi peintre – de questionner l’œil de l’artiste. Car finalement qu’est-ce-qu’un artiste ? Ne serait-ce pas simplement quelqu’un qui perçoit le monde d’une manière particulière et qui s’esquinte à traduire ce point de vue pour le faire partager ? Existerait-il donc une meilleure manière de parler de Van Gogh qu’en essayant de se rapprocher au mieux de ce qu’il voyait ?

Et cette immersion dans la tête de Van Gogh ne serait pas complète si Schnabel n’avait misé que sur la dimension esthétique du film. Mais en plus de sa force visuelle, l’atout de At Eternity’s Gate c’est aussi son casting. On y retrouve Willem Dafoe, acteur talentueux pourtant habitué des seconds rôles, dans la peau d’un Van Gogh à la fois désœuvré mais incroyablement touchant. Dafoe parvient à traduire des émotions très fortes, émotions qui se rapprocheraient de celles qui ont pu traverser le peintre.

Finalement, si la question du point de vue est très intéressante, il n’en reste pas moins que le résultat est – comme le voulait très probablement le réalisateur – décousu. C’est extrêmement fatigant d’être plongé pendant deux heures dans le regard de la folie. Et si At Eternity’s Gate est un film d’une rare intelligence, c’est aussi un film qui est – comme devaient l’être les œuvres de Van Gogh pour l’époque –  un peu désagréable à regarder.