American Honey, voyage imparfait à travers les États-Unis

American Honey

d’Andrea Arnold

Drame, Comédie

Avec Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough

Sorti le 8 février 2017

L’expression est connue : « Ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage ». C’est presque un credo pour American Honey, le dernier film d’Andrea Arnold. Road-movie bigarré dans le sud des États-Unis, le long-métrage possède une vivacité et une identité distinctive, mais manque de finalité thématique et narrative.

Ce côté égaré est d’une certaine manière approprié, puisqu’on le retrouve chez les jeunes personnages du film. Leur occupation professionnelle consiste à faire du porte-à-porte, de ville en ville, pour vendre des abonnements de magazines ; un travail mobile, dont la destination est toujours le prochain patelin. Guidé par leurs hormones et l’argent facile, cette bande de marchands ambulants vendent aux riches comme aux pauvres, donnant l’opportunité au film de faire le portrait de multiples Amériques : celle de banlieues chics, qui attend d’être sortir de son ennui, et celles de quartiers défavorisés, qui attend d’échapper à sa condition sociale.

Observer cette jeunesse sans lendemain, naïve et impulsive, qui danse sur du Rihanna au-dessus des caisses de supermarchés et copule à tout va, fait partie des points d’orgue du film. Dommage dès lors qu’on n’apprend jamais vraiment à les connaître. Comme les multiples personnes qu’ils croisent sur leur route, la plupart de ces jeunes ne font que passer devant la caméra, et ces rencontres restent superficielles. Même dans ses rares efforts pour casser les stéréotypes et s’approcher d’un certain réalisme, le film n’est jamais très loin de la caricature, ou de l’objectification de ses personnages.

Mais le vrai focus du film est sa protagoniste, Star (Sasha Lane), qui abandonne une difficile vie de famille lorsque l’attirant Jake (Shia La Beouf) lui propose de rejoindre son groupe de vendeurs. Si cette nouvelle existence a certains avantages, il semble clair que la jeune femme passe d’une précarité à une autre ; plus insidieuse parce qu’elle prend la forme de la liberté. Sous le joug de Crystal (Riley Keough), qui dirige le groupe en ne perdant jamais de vue ses propres intérêts financiers, Star n’est pas vraiment dans son élément : elle est trop sincère ou trop insouciante que pour participer à ce curieux commerce. Le trio de personnages qu’elle forme avec Jake et Crystal n’est pas tout à fait abouti, mais leurs interprètes se jettent avec une telle intensité dans leur performance qu’on finit par oublier leur faible caractérisation.

Le film subjugue aussi par son esthétique qui offre un regard nouveau sur les grandes étendues et les villes du Sud américain baignées de soleil. Dans ces frappantes images, on reconnaît souvent la patte d’Andrea Arnold : American Honey vibre avec la même énergie cinétique que Fish Tank (qu’elle avait réalisé en 2009), la caméra suivant inlassablement les corps dansants de ses personnages.

Malheureusement son indéniable talent de metteuse en scène ne suffit pas à donner forme à son propos. De l’Amérique aux errances de la jeunesse, ses cibles sont nombreuses, mais le long-métrage s’éparpille trop souvent entre ses différentes idées. Lorsqu’au bout de 160 minutes, American Honey se clôture enfin, son absence de catharsis opère plus comme un choix narratif frustrant que comme un commentaire pertinent sur le fascinant chemin parcouru par sa protagoniste.

A propos Adrien Corbeel 46 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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  1. American Honey de Andrea Arnold | Critique – Surimpressions

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