Alejandro Amenábar au BIFFF 2017 : « Le cinéma, c’est de l’hypnose »

Nous avons rencontré Alejandro Amenabar à l’occasion du festival du film fantastique à Bruxelles. L’occasion d’évoquer avec lui ses projets pour le futur mais aussi le cinéma espagnol en général et quelques thèmes d’actualité. Rencontre.


Bonjour señor Amenabar, tout d’abord, est-ce votre première fois au BIFFF ?

Tout à fait. J’ai cru comprendre que le festival m’avait donné un prix pour mon premier film (ndlr : Tesis). Mais c’est la première fois que je viens ici bien que je sois déjà venu à Bruxelles. Mon frère vit d’ailleurs ici depuis de nombreuses années puisqu’il bosse pour l’Union européenne.

Pour vous, que signifie votre présence ici ?

C’est très important pour moi. J’ai d’ailleurs pu remarquer que le festival était très spécial. Le public est très drôle et sort de l’ordinaire (sourire). J’aime les festivals de films comme le BIFFF. C’est positif de toujours avoir des événements comme cela malgré la concurrence d’Internet et de Netflix.

Vous avez été un réalisateur important dans l’ascension du cinéma espagnol. Que pensez-vous de son évolution ?

Cela dépend des années. Nous avons actuellement une très bonne année, surtout en termes de qualité artistique des films. Mais c’est plus difficile que jamais de trouver des financements en Espagne pour faire des films. Malheureusement, notre gouvernement ne porte pas vraiment attention au problème. Malgré cela, c’était une bonne année.

Le cinéma fantastique a également gagné en importance ces dernières années. L’ascension a été continue ces dernières années. C’est d’ailleurs bizarre de voir des films d’horreur où il fait froid et nuageux dans un pays aussi ensoleillé que l’Espagne (sourire).

Votre travail est également à contre-courant d’une nouvelle vague de films d’horreur qui cherche avant tout à faire sursauter les spectateurs. Pour vous, l’aspect psychologique d’un film est essentiel ?

Bien sûr. C’est même la donnée la plus importante d’un film. Je n’ai jamais étudié la psychologie mais dans un film comme Regression je traite de l’hypnose par exemple. Pour moi, le cinéma, c’est aussi une sorte d’hypnose. Nous nous laissons guider par l’écran, par la puissance des images. Pour moi, tout est question d’esprit dans la vie. Dans mon premier film, Tesis, je parlais des images violentes. Ce qui m’intéressait, c’est surtout le pouvoir de ces images dans notre subconscient et comment ces images affectent notre esprit.

La religion est aussi un thème important dans vos films.

La religion est très importante dans ma vie. J’ai reçu une éducation catholique et je mets dans mes films tous les thèmes de réflexion que j’ai approfondis durant ma jeunesse. Je ne suis pas quelqu’un de religieux mais je suis quelqu’un de spirituel. Je cherche toujours à trouver des réponses à mes questions et je partage l’avis de beaucoup de personnes religieuses au niveau de la morale. Mais je suis athée.

Votre dernier film (ndlr : Regression) date de 2015, quels sont  vos projets cinématographiques actuels ?

Je ne peux malheureusement rien dire pour le moment. Je travaille actuellement sur deux projets et je suis très excité par cela. Je ne sais pas si ces projets seront porteurs commercialement parlant mais ils me tiennent à cœur. J’espère d’ailleurs pouvoir commencer à tourner l’an prochain.

Vous n’êtes d’ailleurs pas un réalisateur commercial. L’industrie d’Hollywood, c’est quelque chose que vous avez toujours voulu éviter ?

Ce que je recherche actuellement plus que tout, c’est la liberté. La liberté en tant que réalisateur est nécessaire selon moi pour faire passer son message dans un film. Bien sûr, il est important en tant que directeur de films de pouvoir toucher le plus de gens possible. Mais je veux également pouvoir raconter l’histoire que je veux mettre en scène. Quand j’ai commencé à faire des films, je voulais mettre mes idées en vie. Peu à peu, j’ai réalisé que le plus important dans mon travail, c’est de pouvoir faire les choses comme je les entends.

Concernant l’actualité, le problème des migrants est devenu prégnant en Europe. C’est quelque chose que vous avez également connu puisque vous avez émigré très jeune du Chili vers l’Espagne.

Je pense que beaucoup des peurs que j’avais durant ma jeunesse sont traitées dans mon film Agora. Il y avait un lien entre Alexandrie  (ndlr : la ville dans laquelle se déroule le film) et l’Europe actuellement. Mais je ne suis pas heureux de ce qui arrive actuellement avec les migrants. Je défends plus que jamais l’idée d’une Europe comme un lieu d’ouverture et d’accueil. Je pense que construire des murs ne va rien nous amener de bon.

A propos Olivier Eggermont 117 Articles
Journaliste du Suricate Magazine